Les encombrantes affaires des trois favoris à la présidentielle nigériane

Bola Tinubu (à g.), Atiku Abubakar (centre) et Peter Obi (à dr.).

Trafic de drogue, blanchiment d'argent, évasion fiscale: aucun d'entre eux n'a jamais été condamné mais les trois favoris de la présidentielle samedi au Nigeria ont été par le passé la cible d'accusations écornant leur image.

Le candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinu a fait l'objet d'allégations multiples durant la campagne qu'il s'agisse de son âge réel (certains lui prêtent davantage que 70 ans) ou de diplômes universitaires prétendûment falsifiés.

Surtout, de nombreuses interrogations entourent l'origine et le montant exact de la fortune de l'ex-gouverneur de Lagos, considéré comme l'un des hommes les plus riches du pays avec des parts dans de nombreuses entreprises, des médias à l'aviation en passant par l'hôtellerie et l'immobilier.

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De quoi faire ressurgir de vieilles affaires. Selon deux jugements d'un tribunal américain datant de 1993, obtenus par l'AFP, près de deux millions de dollars issus d'un vaste trafic d'héroïne auraient notamment transité sur des comptes liés à M. Tinubu à la fin des années 1980.

L'intéressé, qui a fermement nié, n'a pas été poursuivi, son implication directe dans le trafic de drogue n'ayant pu être établie. Au final, Bola Tinubu a conclu un accord avec les autorités américaines au terme duquel 460.000 dollars lui ont été confisqués.

Le "parrain"

Dans un autre scandale, le "parrain" de Lagos a été accusé par un ex-collaborateur d'avoir profité de son statut de gouverneur pour détourner des millions de dollars de fonds publics via une société chargée de récolter l'impôt, Alpha Beta Consulting, dans laquelle il détenait des parts – ce que Tinubu a démenti. Là encore, après un long bras de fer, le différend s'est soldé en juin 2022 par un règlement à l'amiable aux détails non publiés.

L'ancien vice-président Atiku Abubakar, en lice pour le principal parti d'opposition (PDP), a aussi mené en parallèle une carrière prospère dans le privé (import-export, pétrole, agriculture, télécommunications...) le faisant devenir multimillionnaire.

Après une vingtaine d'années aux Douanes, il rejoint en 1999 le gouvernement. Sous la présidence d'Olusegun Obasanjo, il supervise notamment la privatisation de centaines d'entreprises publiques déficitaires, corrompues ou mal gérées.

"Atiku" a-t-il profité de son ascension politique pour faire fructifier ses affaires? Il le réfute catégoriquement mais beaucoup l'ont affirmé dont son ex-patron: dans un livre publié en 2014 ('My Watch'), Obasanjo l'a accusé d'avoir détourné 145 millions de dollars destinés en 2003 au Petroleum Technology Development Fund (PTDF).

Pandora Papers

Selon un rapport du Sénat américain, l'une de ses épouses qui possède la nationalité américaine aurait par ailleurs entre 2000 et 2008 "aidé son mari à rapatrier plus de 40 millions de dollars de fonds suspects aux Etats-Unis via des comptes offshore".

Le couple est également accusé d'avoir reçu plus de 2 millions de dollars de commission pour un contrat avec la multinationale Siemens qui a plaidé coupable dans cette affaire. A ce jour, "Atiku" n'a encore fait l'objet d'aucune poursuite aux Etats-Unis et au Nigeria.

Les partisans de Peter Obi, l'outsider du Parti travailliste, le présentent volontiers comme le "Monsieur Propre" de l'élection, vantant son bilan à la tête de l'Etat d'Anambra (sud-est) de 2006 à 2014 comme un modèle de bonne gestion et de transparence.

Si lui aussi a fait fortune dans la banque et l'import-export, le candidat de 61 ans n'a jamais été accusé de corruption ni de détournement, contrairement à ses deux principaux adversaires. Son nom figure cependant dans les "Pandora Papers" en 2021, une enquête d'un Consortium international de journalistes d'investigation sur l'évasion fiscale.

Selon ces documents, en 2006, alors qu'il était gouverneur, il a créé une société au nom de sa fille dans les îles Vierges britanniques afin d'échapper à l'impôt. Bien que le procédé ne soit pas illégal en soit, selon le Premium Times, le média nigérian ayant enquêté pour le collectif, il témoigne d'une certaine opacité, d'autant que M. Obi n'avait pas déclaré ses actifs au Nigeria.

Ses détracteurs l'ont aussi accusé de conflit d'intérêt pour avoir injecté de l'argent public dans une brasserie dont ses proches détenaient des parts, ce qu'il a réfuté, affirmant que l'investissement avait profité sur le long terme à l'Etat d'Anambra.