Lula empêché de quitter le Brésil

Luiz Inacio Lula da Silva, Sao Paulo, le 19 juillet 2017

La justice brésilienne a asséné un nouveau coup à l'ex-président Lula, en l'empêchant de quitter le Brésil quelques heures avant son départ pour l'Afrique, après l'avoir condamné la veille à une lourde peine de prison.

Le favori de la prochaine présidentielle au Brésil devait aller à Addis-Abeba, en Ethiopie, pour une conférence de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) mais un juge fédéral "a donné l'ordre d'empêcher l'ex-président de sortir du territoire", a annoncé le ministère de la Justice en soirée.

"Nous appliquons l'ordre judiciaire de retirer son passeport à l'ex-président" Luiz Inacio Lula da Silva. "Nous nous mettons en contact avec sa défense pour voir comment nous allons le récupérer", a poursuivi le ministère.

Cette mesure intervient au lendemain d'un lourd revers subi par Lula lors d'un procès qui a tenu en haleine le Brésil mais aussi divisé le pays.

Une cour d'appel de Porto Alegre (sud) a confirmé mercredi qu'il était coupable de corruption passive et de blanchiment d'argent pour avoir accepté un triplex en bord de mer de la part d'une entreprise de construction.

Elle a également aggravé sa peine de prison d'un tiers, à 12 ans et un mois, tout en le laissant libre en attendant les recours que sa défense ne va pas manquer de déposer.

Les chances d'éligibilité de Lula pour la présidentielle d'octobre se sont considérablement réduites.

- 'Droit d'aller et venir' -

Si Lula n'a pas réagi publiquement jeudi soir à ce nouveau coup dur, ses avocats se sont rapidement déclarés "consternés" et ont contesté la qualification du juge fédéral à l'empêcher de quitter le territoire.

La cour d'appel de Porto Alegre "avait été informée du voyage et n'avait pas imposé la moindre restriction", ont-ils dit dans un communiqué.

"Le passeport de l'ex-président sera remis à la police fédérale, sans préjuger des mesures qui permettraient de réparer cette limitation indue à son droit d'aller et venir", poursuivent les avocats de Lula.

Celui-ci devait, selon son équipe, rentrer dimanche au Brésil après un voyage express.

"Il n'y a pas d'empêchement légal à ce que l'ex-président Lula fasse un voyage à l'étranger, avait déclaré plus tôt à l'AFP l'un de ses avocats, Cristiano Zanin Martins. "Lula a le droit d'aller et venir".

Mais une demande de retrait de son passeport avait été déposée, à titre individuel, par trois avocats, arguant des risques que l'icône de la gauche brésilienne demande l'asile politique à l'étranger.

- Six autres procédures -

A Addis-Abéba, Lula devait participer à une conférence sur l'éradication de la faim et les politiques publiques en Afrique, continent sur lequel il s'est souvent rendu pendant ses deux mandats (2003-2010), en marge du 30e sommet de l'Union africaine.

La FAO, dirigée par le Brésilien José Graziano da Silva, un ex-ministre de Lula, avait confirmé la présence de l'ancien chef de l'Etat, qui a été, avec son institut, à l'origine du programme "Faim zéro" en Afrique.

"Ce n'est pas un voyage facile, ce sont 14 heures à l'aller, 14 heures au retour et 14 heures sur place", avait souligné Lula plus tôt jeudi à Sao Paulo.

Il s'était exprimé à l'occasion du lancement de sa "pré-candidature" à la présidentielle à la tête de son Parti des Travailleurs (PT) qui venait de l'adouber en dépit de sa condamnation en appel.

Lula est donné ultra-favori par les sondages au scrutin d'octobre et un tiers des Brésiliens seraient prêts à voter pour celui qui clame son innocence et se dit victime d'un "pacte diabolique" destiné à lui barrer la route vers un 3e mandat.

Mais Lula est sous la menace de six autres procédures, le plus souvent pour corruption.

De fait, le juge de Brasilia qui a ordonné qu'il soit privé de son passeport n'est pas compétent dans l'affaire du triplex au coeur du procès d'appel de mercredi.

L'agence officielle Agencia Brasil a indiqué que ce juge agissait dans le cadre d'une autre procédure, un trafic d'influence et du blanchiment d'argent reprochés à Lula au sujet de l'achat par l'armée brésilienne d'avions de chasse Gripen au suédois Saab.

Lula est accusé d'avoir bénéficié de pots-de-vin pour ce contrat de 5 milliards de dollars qui avait été signé sous la présidence de Dilma Rousseff, sa dauphine (2011-2016).

Il doit être interrogé par un juge le 20 février dans le cadre de cette affaire qui promet d'autres rebondissements judiciaires.

Avec AFP