Nouveau veto russe à une prolongation des enquêtes internationales sur les armes chimiques en Syrie

Vasily Nebenzya, ambassadeur de Russie aux Nations Unies, vote pour une résolution russe lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur le renouvellement de l'enquête internationale sur les attaques d'armes chimiques en Syrie, au siège de l'ONU à New York,16 novembre 2017.

La Russie a opposé, pour la deuxième fois en 24 heures, un veto à un projet de résolution du Japon prolongeant de 30 jours le mandat des experts internationaux du groupe JIM enquêtant sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie.

Cette résolution a été approuvée par 12 pays sur les 15 membres du Conseil de sécurité. Outre la Russie, la Bolivie a voté contre. La Chine s'est abstenue.

"La Russie nous fait perdre notre temps", a dénoncé l'ambassadrice américaine Nikki Haley, en soulignant qu'avec ses prises de position successives, "la Russie ne souhaitait pas trouver un terrain d'entente" avec ses partenaires du Conseil de sécurité.

"Une extension du mandat du JIM n'est possible pour nous qu'à condition que des imperfections fondamentales de son travail soient rectifiées", a déclaré l'ambassadeur russe Vassily Nebenzia.

A Moscou, le responsable russe de la non-prolifération au ministère des Affaires étrangères, Mikhail Ulyanov, avait aussi jugé inutile un renouvellement technique d'un mois. "Nous pouvons discuter et si cela devient productif, alors, dans un temps pas trop lointain, le Conseil de sécurité pourra prendre une décision pour prolonger les activités du JIM", avait-il dit, cité par l'agence de presse RIA Novosti. "Aucune raison actuellement de se précipiter", avait-il insisté.

"La France est atterrée", a affirmé l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre, en dénonçant un "veto particulièrement lourd de conséquences pour la lutte contre les armes chimiques". "Si le JIM n'est pas renouvelé avant minuit (05H00 GMT samedi), il est dissous", a-t-il déploré.

Après le vote, le Conseil de sécurité s'est réuni à huis clos à la demande de la Suède. "Nous devons être absolument convaincus d'avoir exploré toutes les pistes, fait tous les efforts avant que le mandat du JIM n'expire ce soir", a enjoint l'ambassadeur suédois Olof Skoog.

Jeudi, l'ONU avait déjà connu un double échec dans ses tentatives de prolonger d'un an le mandat des enquêteurs. Moscou a d'abord mis son veto - le 10e concernant le dossier syrien - sur un projet de résolution des Etats-Unis, avant que son propre texte ne soit rejeté faute de majorité suffisante (9 voix) parmi les 15 membres du Conseil.

La séance avait été marquée par de vifs échanges, notamment entre Moscou et les Occidentaux, jugés indignes par plusieurs membres non permanents du Conseil de sécurité.

- Gaz sarin -

Nikki Haley a menacé la Syrie de nouveaux bombardements en cas d'utilisation d'armes chimiques et affirmé ne pas pouvoir faire confiance à la Russie pour trouver une solution politique à la guerre dans ce pays, alors que de nouvelles négociations de paix doivent se tenir à partir du 28 novembre à Genève.

En avril, le président américain Donald Trump avait ordonné de bombarder une base aérienne que Washington soupçonnait d'avoir servi à des avions du régime de Bachar al-Assad pour attaquer le 4 avril au gaz sarin la localité syrienne de Khan Cheikhoun (plus de 80 morts), sous contrôle de rebelles et de jihadistes.

La Russie, proche soutien de Damas, affirme que l'attaque chimique est venue de l'explosion d'un obus au sol et non d'une bombe lancée par un avion.

Les enquêteurs du JIM, issus de l'ONU et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), ont conclu en octobre à la responsabilité du régime syrien dans cette attaque. Depuis, la Russie ne cesse de dénoncer les conditions d'enquête du JIM, considéré comme soumis aux Etats-Unis. Moscou a affirmé être prêt à prolonger son mandat sous condition de le réformer en profondeur et de geler ses conclusions sur l'attaque de Khan Cheikhoun.

Washington et ses alliés européens ont refusé et veulent que l'ONU prenne des sanctions contre les responsables d'attaques chimiques en Syrie.

Derrière la question de l'avenir du JIM, c'est l'ensemble du régime de non-prolifération établi par les Nations unies pour interdire dans le monde le recours aux armes chimiques qui est en jeu, ont mis en garde des diplomates.

Le JIM, créé en 2015 sur une initiative américano-russe, enquête sur des dizaines d'attaques chimiques présumées (sarin, chlore...). En deux ans, il a conclu que les forces syriennes, outre à Khan Cheikhoun, avaient été responsables d'attaques au chlore dans trois villages en 2014 et 2015 et que le groupe EI avait utilisé du gaz moutarde en 2015.

Avec AFP