Ces documents sont-ils vrais et inédits?
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dévoilé lundi ce qu'il a présenté comme une centaine de milliers de documents obtenus par ses espions. Ils apportent, a-t-il assuré, les "preuves concluantes" de l'existence d'un tel programme, surnommé "Amad" et développé entre 1999 et 2003 avant d'être mis entre parenthèses, mais jamais démantelé.
Comme souvent, les experts se sont aussitôt déchirés entre défenseurs et détracteurs de l'accord conclu en 2015 par Téhéran et les grandes puissances pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire, mais jugé trop laxiste par Donald Trump qui menace de le dynamiter d'ici le 12 mai.
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"On savait déjà" que "l'Iran a menti sur son programme nucléaire militaire avant 2003", a minimisé le groupe Diplomacy Works, créé par l'ex-secrétaire d'Etat américain John Kerry pour défendre "son" accord. Ce dernier a d'ailleurs estimé sur Twitter que les documents israéliens illustraient pourquoi les grandes puissances (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Russie et Chine) avaient "négocié l'accord nucléaire iranien: car la menace était réelle et devait être stoppée" par un régime d'inspections poussé. "Et ça marche!", a ajouté le démocrate.
Pour Ali Vaez, de l'International Crisis Group, les informations sur le projet Amad étaient même "de notoriété publique", déjà détaillées dans des rapports de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Au contraire, la Foundation for Defense of Democracies (FDD), groupe conservateur hostile au texte de 2015, a salué des documents "absolument inédits". Ils démontrent que "l'Iran s'achemine lentement vers l'obtention de l'arme nucléaire sous couvert d'un accord qui ne marche pas", a déclaré à l'AFP son conseiller Richard Goldberg.
Qu'en pensent les signataires de l'accord?
Là aussi, chacun semble conforté dans ses positions.
Les Etats-Unis ont tenté de peser pour valider la démarche israélienne. De retour de Tel Aviv, le nouveau secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a affirmé que les documents étaient "authentiques" et souvent inédits -- apportant ainsi la crédibilité de celui qui dirigeait il y a une semaine encore la CIA.
Et le président Trump y a donc vu une confirmation de sa ligne: l'accord sur le nucléaire est "horrible" car il ne fait selon lui que repousser l'échéance d'une bombe iranienne alors que le monde ne peut pas faire confiance à Téhéran.
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Sans vraiment se prononcer sur les dossiers eux-mêmes, les Européens ont tenté de retourner l'argument: c'est justement car on ne peut pas faire confiance à Téhéran qu'il faut préserver le pacte de 2015. "Tout l'accord est fondé sur l'hypothèse qu'ils peuvent mentir!", a plaidé l'ambassadeur de France aux Etats-Unis Gérard Araud, "le régime de contrôle que nous avons mis en place prouve précisément que nous ne faisons confiance à quiconque".
Pourquoi maintenant?
Les annonces israéliennes s'inscrivent dans un calendrier particulier: Donald Trump a donné aux Européens jusqu'au 12 mai pour trouver des solutions pour durcir l'accord de 2015. Sans quoi, les Etats-Unis vont rétablir les sanctions levées en échange des engagements iraniens.
Pour de nombreux observateurs, Israël, qui se voit directement menacé par un Iran potentiellement nucléaire, tente de peser dans les tractations en cours et de faire capoter les efforts européens pour sauver l'accord.
Avec ses photos et graphiques sur grand écran, le Premier ministre israélien s'adressait au président américain, connu pour détester la lecture de longs rapports, a estimé Ali Vaez qui y voit "clairement une tentative" pour "pousser Donald Trump à débrancher l'accord iranien".
Que va faire Trump?
L'administration américaine affirme que le président n'a pas encore tranché. Mais le soutien apporté à Israël semble conforter un peu plus encore l'hypothèse d'un retrait américain. L'accord "n'a pas stoppé le programme d'armes nucléaires de l'Iran" et son système de vérification n'est pas aussi efficace que le disent ses défenseurs, a encore dit mardi la Maison Blanche.
Le camp d'en face semble d'ailleurs parfois s'y résigner.
"Je suis désormais persuadé que Trump va se retirer de l'accord. Je pense que c'est une erreur mais je ne peux pas l'arrêter", a dit sur Twitter Dan Shapiro, ambassadeur américain en Israël sous la présidence de Barack Obama.
Le président français Emmanuel Macron s'était aussi montré pessimiste après avoir rencontré son homologue américain la semaine dernière. Il a présenté sa proposition de "nouvel accord" avec l'Iran, au-delà de celui de 2015, comme une tentative de ne pas "tomber dans l'inconnu complet si la décision américaine est une sortie sèche".
Avec AFP