Le président américain Barack Obama a fait part jeudi de ses "doutes" quant à la volonté des talibans afghans de renouer le dialogue avec Kaboul sous la houlette de leur nouveau chef, le mollah Haibatullah, un sentiment partagé au Pakistan et en Afghanistan.
Dignitaire religieux plus versé dans l'étude du Coran que dans la stratégie militaire, le mollah Haibatullah Akhundzada, dont la nomination a été rendue publique mercredi, ne s'est pas encore exprimé publiquement sur une éventuelle relance du processus de paix moribond.
Réagissant jeudi pour la première fois à sa désignation depuis le G7 au Japon, le président Obama a ironisé sur le profil du successeur du mollah Mansour à la tête de l'insurrection: "je ne m'attendais pas à ce qu'un démocrate soit nommé".
Malgré la fin de la mission de combat de l'Otan fin décembre 2014, les Etats-Unis sont encore profondément impliqués en Afghanistan. Quelque 9.800 de leurs soldats y sont stationnés et Washington est partie prenante dans les efforts déployés par Kaboul pour relancer les négociations de paix abruptement suspendues l'été dernier à l'annonce de la mort du mollah Omar.
Car depuis janvier, Américains, Chinois, Pakistanais et Afghans appellent les talibans à les rejoindre dans le dialogue, mais leurs efforts ont tous échoué pour le moment.
Et, s'il jugeait encore lundi que la mort du mollah Mansour était un "jalon dans (notre) effort pour ramener paix et prospérité en Afghanistan", Barack Obama s'est montré bien plus pessimiste jeudi, une fois le nom de son successeur connu.
Il a dit "douter" que les talibans rejoignent la table des négociations. Pis, "nous pensons que les talibans vont poursuivre dans la voie de la violence", a-t-il ajouté lors d'un point de presse en marge du G7.
Comme pour lui donner raison, les talibans ont revendiqué un attentat suicide qui a tué 11 personnes près de Kaboul mercredi, au moment même où la désignation du mollah Haibatullah était rendue publique.
- 'Un homme religieux'-
Plus nuancé que son homologue américain, le président afghan Ashraf Ghani, qui a fait du retour à la paix l'un des enjeux de son mandat, a tendu la main aux talibans "qui ont ici une nouvelle occasion de mettre fin à la violence". Mais il a prévenu ceux qui ne renonceraient pas aux armes qu'ils devront s'attendre à connaître le "même destin" que le mollah Mansour.
Mais le retour au dialogue au sein même du quartette qui réunit la Chine, le Pakistan, les Etats-Unis et l'Afghanistan est lui aussi compromis. Islamabad a vertement protesté contre le tir de drone américain, y voyant une "violation" de sa souveraineté.
Le raid américain et la mort du mollah Mansour "ont sapé le processus de paix afghan", a fait valoir jeudi Sartaj Aziz, conseiller pakistanais aux Affaires étrangères.
Même sombre constat, mais pour d'autres raisons, au Haut conseil pour la paix (HCP), l'organe de Kaboul destiné à tenter de se rapprocher des talibans. "Le nouveau chef des talibans est un homme profondément religieux. A court terme, il est bien possible qu'il ne s'intéresse pas au dialogue politique", a expliqué à l'AFP Mohammad Ismaïl Qasemyar, un membre du HCP.
Car en creux la personnalité du mollah Haibatullah et la difficulté à le cerner semblent lourdement peser dans l'équation. Ce quinquagénaire, ancien bras droit du mollah Mansour natif du sud afghan, est avant tout un théologien.
De façon assez inattendue, une photo de lui de bonne qualité a commencé à circuler sur internet. Les talibans ont confirmé que le portrait de l'homme à la barbe grisonnante et au turban blanc était bien celui de leur nouveau chef. Une franchise qui tranche avec le secret qui entourait les mollahs Omar et Mansour, dont seule une poignée de clichés de mauvaise qualité existait.
Mais l'ère du mollah Haibatullah s'ouvre avec un mouvement fragmenté. Certains cadres ont fait sécession dans le sang à la nomination du mollah Mansour l'été dernier. Sa première tâche sera donc d'unifier l'insurrection.
Avec AFP