SANAA/ADEN (Reuters) - L'Arabie saoudite a lancé jeudi avec ses alliés sunnites de la région du Golfe une campagne de frappes aériennes au Yémen pour repousser les Houthis chiites qui assiègent Aden, le grand port du sud du pays où s'est réfugié le président yéménite.
L'Iran chiite, accusé de soutenir les rebelles houthis, a exigé "une cessation immédiate de toutes les agressions militaires et frappes aériennes contre le Yémen et son peuple", jugeant que l'offensive saoudienne allait saper "les efforts déployés pour résoudre la crise (au Yémen) de manière pacifique".
Peu après l'annonce de l'offensive par l'ambassadeur d'Arabie saoudite aux Etats-Unis, qui a immédiatement fait bondir les cours du pétrole, des avions de guerre non identifiés ont lancé une attaque sur l'aéroport de Sanaa, la capitale yéménite, et sur la base militaire aérienne voisine de Doulaimi, ont indiqué des habitants.
Un témoin a rapporté que quatre ou cinq immeubles près de l'aéroport avaient été endommagés. Les services de secours ont fait état de treize morts, dont un médecin tué par des tirs qui ont atteint une clinique.
Les frappes ont visé un quartier résidentiel au nord de la capitale, faisant des dizaines de victimes, rapporte pour sa part la chaîne de télévision houthie Al Massirah, ce qui n'a pu être confirmé de source indépendante.
Selon la chaîne de télévision Al Arabiya basée à Dubaï, le royaume a engagé une centaine d'avions de guerre et 150.000 soldats dans cette opération.
COALITION SUNNITE
L'Egypte, le Pakistan, la Jordanie et le Soudan se sont dits prêts à participer à une offensive terrestre. Les Emirats arabes unis ont mobilisé trente avions, Bahreïn et le Koweït quinze chacun, le Qatar dix, la Jordanie et le Maroc six chacun et le Soudan trois, ajoute Al Arabiya.
Quatre navires de la marine égyptienne ont franchi le canal de Suez en direction du Yémen pour sécuriser le golfe d'Aden. Des sources militaires égyptiennes ont par ailleurs indiqué que l'Egypte avait participé à la campagne de bombardements.
La Jordanie et le Soudan ont aussi confirmé leur participation à l'offensive aérienne en cours au Yémen tandis que le Pakistan a dit réfléchir à la demande de l'Arabie saoudite d'envoyer des troupes au sol.
"Nous ferons ce qu'il faudra pour empêcher la chute du gouvernement légitime du Yémen", a déclaré l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, Adel al Djoubeir, lors d'une conférence de presse.
Les Etats-Unis, sans faire partie de la coalition, soutiennent l'opération. Le président Barack Obama a autorisé un soutien en matière de logistique et de renseignement, précise un communiqué de la Maison blanche.
A Lausanne, où il est arrivé pour des négociations sur le programme nucléaire iranien, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a salué l'offensive et a confirmé que Washington apportait un soutien à cette opération.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a approuvé l'initiative saoudienne "qui fait suite à une demande du président Hadi pour défendre par tous les moyens le Yémen et repousser l'agression houthie".
Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, a jugé en revanche qu'aucune action militaire n'apporterait une solution au dossier yéménite et a appelé l'ensemble des puissances régionales à agir de manière responsable.
L'opération vise à empêcher les rebelles chiites houthis, d'utiliser les aéroports et les avions du Yémen pour attaquer Aden et d'autres régions du Yémen, a précisé à Reuters le ministre yéménite des Affaires étrangères, Riyadh Yassine, qui se trouve en Egypte.
Après les premières frappes, les cours du pétrole ont bondi de près de 6%. Les cours à terme du Brent sont remontés à près de 60 dollars le baril et se négociaient à quasiment 59 dollars, soit +4,3%, vers 09h15 GMT.
L'AÉROPORT D'ADEN REPRIS
Le golfe d'Aden, étroit couloir maritime d'une quarantaine de kilomètres de large entre le Yémen et Djibouti, commande l'accès à la mer Rouge puis au canal de Suez et constitue une voie de transit majeure du commerce pétrolier mondial.
La situation est rendue encore plus complexe par la présence au Yémen de l'une des branches les plus puissantes d'Al Qaïda, Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), régulièrement prise pour cible par des bombardements de drones américains, et par l'influence persistante au sein de l'armée yéménite de partisans de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, chassé du pouvoir début 2012 à la suite de vastes manifestations.
Selon le directeur de son bureau, Mohamed Marem, le président Hadi est toujours dans son QG à Aden, contrairement à ce qui avait pu être dit à un moment. Il a été mis "de bonne humeur" par le lancement de l'offensive, a précisé le directeur.
Les forces d'Abd-Rabbou Mansour Hadi ont lancé une contre-offensive, reprenant l'aéroport d'Aden tombé la veille aux mains de combattants fidèles à l'ancien président Saleh, alliés aux Houthis.
Dans une lettre adressée mardi au Conseil de sécurité des Nations unies, le président Hadi avait indiqué avoir demandé à la Ligue arabe et au Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis et Qatar) "de fournir immédiatement tous les moyens nécessaires, y compris une intervention militaire, pour protéger le Yémen et sa population".
Réagissant à l'annonce de l'intervention, un dirigeant du mouvement houthi au Yémen a déclaré jeudi que les frappes aériennes saoudiennes équivalaient à une agression contre le pays et mis en garde contre une extension de la guerre dans toute la région.
"Le peuple yéménite est un peuple libre et il fera face aux agresseurs. (...) Le gouvernement saoudien et les gouvernements du Golfe regretteront cette agression", a déclaré Mohammed al Boukhaiti, membre du bureau politique des Houthis, à la chaîne de télévision Al Djazira, basée à Doha, au Qatar.