C'est à Abou Dhabi que se tient cette semaine la 13e Conférence ministérielle de l'OMC. La réunion devait se conclure jeudi mais elle a été prolongée plusieurs fois en raison des désaccords entre les 164 membres de l'organisation, où les décisions sont prises par consensus.
La dernière réunion plénière ne devrait pas commencer avant la fin de la soirée.
Les négociations, qualifiées d'"intenses et difficiles" par l'OMC, butent sur une demande pressante de l'Inde qui souhaite des règles permanentes pour que les pays en développement puissent faire des réserves de denrées afin de garantir la sécurité alimentaire de leurs populations, selon plusieurs sources proche du dossier.
"C'est le moment de décider si (ce) pays va être un bâtisseur de consensus ou un bloqueur de consensus", a commenté un ambassadeur à l'OMC, faisant part de sa "déception". "C'est entre leurs mains, pour le meilleur ou pour le pire".
Lire aussi : OMC: les États-Unis critiquent vivement la Chine et l’IndeAu même moment, l'Inde menace de s'opposer au renouvellement du moratoire douanier sur les transmissions électronique, sur lequel les pays doivent se prononcer.
Comme à chaque ministérielle, la pression est forte à l'OMC pour que cette dernière affiche des résultats. Cette année les attentes sont particulièrement élevées face au possible retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a tout fait pour saper l'organisation durant son premier mandat.
La précédente ministérielle de 2022 à Genève s'était achevée par un certain succès, qualifié de "sans précédent" par la directrice générale de l'organisation, Ngozi Okonjo-Iweala. Les pays avaient acté l'idée de réformer l'OMC et trouvé des arrangements sur l'interdiction des subventions à la pêche illégale et sur les brevets des vaccins anti-Covid.
Mme Okonjo-Iweala avait appelé à reproduire le "miracle" de Genève malgré les "vents contraires" économiques et politiques, une demande que le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, avait qualifié de "véritable défi".
- Marchandage -
Trois gros dossiers sont encore sur la table, l'agriculture, la pêche et le commerce électronique.
"L'agriculture est une fois de plus le sujet qui fait ou défait une conférence ministérielle. Les résultats sont incertains jusqu'aux dernières heures de la conférence", a souligné le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski sur X.
Les pays négocient une feuille de route visant à relancer les discussions sur plusieurs questions agricoles, souvent très techniques.
Lire aussi : OMC : L’Afrique toujours dans l’attenteLa question la plus laborieuse reste les stocks publics de denrées alimentaires, qui sont en règle général considérés comme faussant les prix. Mais certains pays en développement, dont l'Inde, bénéficient d'un traitement de faveur depuis 2013 grâce à un accord temporaire.
New Delhi réclame depuis plusieurs années des règles permanentes et élargies à l'ensemble des pays en développement, mais sa demande s'est faite plus pressante cette semaine alors que le pays a été récemment en proie à d'importantes manifestations d'agriculteurs.
De nombreux pays se montrent frileux face à la proposition de l'Inde, l'accusant de déverser ses stocks alimentaires sur les marchés internationaux.
- Prudence sur la pêche -
D'intenses négociations sur la pêche ont abouti vendredi sur un projet de texte. Il nécessite encore des retouches mais plusieurs sources proche du dossier ont fait part d'un certain progrès dans les discussions, tout en restant très prudentes.
Le texte prévoit une interdiction des subventions favorisant la surpêche et la surcapacité sauf si elles respectent des critères de durabilité. Mais plusieurs sujets doivent encore être discutés, dont la période de transition accordée aux pays en développement qui ne sont pas parmi les plus grands pourvoyeurs de subventions.
Aucun accord majeur n'est par ailleurs attendu sur la réforme du mécanisme de l'OMC qui permet aux pays de régler leurs différends commerciaux. Son organe d'appel est paralysé depuis fin 2019 car les Etats-Unis, mécontents de son fonctionnement, bloquent la nomination des juges.
Mais en pleine année électorale américaine, aucun observateur ne s'attendait à de grandes annonces américaines à ce sujet, malgré les pressions exercées par le ministre du Commerce indien, Piyush Goyal, qui se fait toujours beaucoup entendre dans les ministérielles de l'OMC.
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