"Où sont nos enfants?": la supplique de déplacés de Fallouja

Abdul Rahman Ismail, un soldat irakien qui a été pris pour cible par des extrémistes de l'État islamiques est réuni avec sa famille en dehors de Falloujah, en Irak, le vendredi 3 Juin 2016.(AP Photo/ Khalid Mohammed)

A peine arrivés dans un camp de déplacés au sud de Fallouja, les hauts responsables irakiens sont assaillis par des femmes suppliantes: "Où sont nos enfants?", leur demandent-elles.

Taliaa Diab est l'une d'elles. "Mon mari et trois de mes enfants ont disparu", raconte cette femme qui a fui, avec sa famille, la localité de Saqlawiya début juin. Une semaine plus tard, elle n'a aucune nouvelle d'eux.

Comme elle, des centaines d'épouses, de mères et de personnes âgées ayant trouvé refuge à Amriyat al-Fallouja implorent de l'aide, gribouillant le nom de leurs proches sur un bout de papier.

Ces derniers sont introuvables depuis le début de la vaste offensive lancée le 23 mai par les forces irakiennes pour reprendre au groupe Etat islamique (EI) la ville de Fallouja, à 50 km à l'ouest de Bagdad et l'un des principaux bastions de l'organisation jihadiste.

Au cours des premiers jours de l'opération, les forces paramilitaires du Hachd al-Chaabi (Mobilisation populaire) ont participé à la reprise de villages autour de Fallouja et à l'encerclement de la ville.

De plus en plus de témoignages de civils ayant réussi à fuir accusent les forces de sécurité -surtout des membres des milices- de toutes sortes d'abus.

"Nous avons entendu dire qu'ils en ont tués plusieurs, nous voulons savoir ce qui se passe", s'inquiète Taliaa Diab.

"La mobilisation sectaire a enlevé mon mari", affirme Marwa Mohammed, jouant avec les mots pour désigner le Hachd al-Chaabi et provoquant le rire des femmes autour. Elle accuse en particulier la milice Ketaëb Hezbollah (Brigades du Parti de Dieu) car "c'est elle qu'on a vue, avec ses drapeaux".

La majorité des habitants de Fallouja et des zones environnantes sont sunnites, tandis que les forces du Hachd sont formées de combattants chiites. Leur participation, aux côtés des forces gouvernementales, dans la bataille de Fallouja avait très vite laissé craindre des exactions contre les civils sunnites.

'Comme on rôtit un poulet'

Les responsables interpellés par les femmes dans le camp de Amriyat al-Fallouja se veulent rassurants. "Nous allons relayer l'information, nous sommes ici pour (vous) écouter et chercher des solutions", les assure un envoyé du Premier ministre Haider al-Abadi.

6.000 hommes de Fallouja et des environs ont été détenus pour être contrôlés depuis le début de l'opération il y a plus de trois semaines, selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Saad Maan. Environ 1.000 ont déjà été relâchés et 4.000 le seront prochainement, assure-t-il.

Cette détention, qui ne doit pas excéder une semaine selon M. Maan, a pour objectif de détecter les jihadistes qui essaieraient de se fondre parmi les civils.

Loin de la foule agglutinée autour des responsables gouvernementaux, deux hommes ayant eu la chance d'être relâchés discutent sous une tente, et comparent les abus subis après leur arrestation.

"J'ai vu de mes propres yeux plus de 40 personnes mourir pendant leur détention par le Hachd", raconte un homme se présentant comme Abou Ban.

Il exhibe des plaies profondes à son poignet. "C'est parce que mes mains ont été menottées pendant quatre jours, sans rien à manger et à boire".

"Ils nous battaient avec des bâtons. Regarde mon bras", ajoute Abou Hussein, originaire d'Azraqiyah. "Je les ai vu brûler un homme comme on rôtit un poulet".

Des miliciens ont explicitement dit agir de la sorte pour se venger de l'exécution par le groupe EI, en juin 2014, de près de 1.700 officiers -chiites pour la plupart- près de Tikrit, témoignent les hommes interrogés par l'AFP.

Les services du Premier ministre ont promis de mener une enquête sur les abus commis par les forces de sécurité dans l'offensive de Fallouja.

"Nous avons fui Daech en pensant être secourus par le Hachd al-Chaabi, et ils nous ont traités comme Daech", se désole Abou Abdallah, un enseignant de 57 ans, utilisant l'acronyme arabe de l'EI.

"Nous n'étions pas si maltraités que ça par Daech. Nous menions une vie rurale, dans notre ferme, et pouvions survivre au siège", témoigne-t-il. "Je vous l'assure, on aurait dû rester" au lieu de fuir.

Avec AFP