Mme Kyalya ne se fait guère d'illusions sur ses chances de rivaliser avec le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 30 ans et favori au prochain scrutin, dont elle dénonce les méthodes: recours à la "force" et à "l'intimidation".
Les tensions sont exacerbées à l'approche de cette élection, dont le premier tour aura lieu le 18 février, et pour laquelle M. Museveni, 71 ans, sera encore le grand favori pour obtenir un nouveau mandat de cinq ans, face à sept autres candidats.
Tous les candidats d'opposition se sont inquiétés de possibles violences, ont accusé la police de brutalités et dénoncé la création d'une force supplétive de la police, les "Crime Preventers" ("Empêcheurs de crime"). Le gouvernement a en retour accusé l'opposition de créer des milices armées.
Ancienne assistante du président Museveni, Maureen Kyalya, 41 ans, sait fort bien qu'elle ne soutiendra pas la comparaison avec ce dernier dans les urnes.
"Je peux essayer autant que je veux, je n'ai aucune chance", admet-elle. Mais elle se sent le devoir de faire entendre sa voix malgré tout, et se dit convaincue que son pays, pourtant traditionnellement dominé par la gente masculine, est prêt à avoir une femme présidente.
"Martin Luther King a dit que la pire chose qu'un grand homme pouvait faire, c'est de ne rien faire", justifie-t-elle.
Sur son ancien patron, elle tient des propos peu amènes, l'accusant d'avoir truqué des élections par le passé. "Il utilise la force et l'intimidation", affirme-t-elle.
A la croisée des chemins
"Il a entraîné des gens qu'il appelle ‘Crime Preventers’, mais leur boulot, c'est de brutaliser les gens sans autre but que de les effrayer et de leur faire croire qu'il va y avoir une guerre, afin qu'ils votent pour lui", accuse-t-elle.
A deux semaines des élections, la campagne électorale bat son plein. Mais peu d'analystes doutent du résultat final et de la victoire de M. Museveni, candidat du Mouvement de résistance nationale (NRM)
Ses deux principaux rivaux sont l'opposant historique Kizza Besigye, chef du Forum pour le Changement démocratique (FDC), et l'ex-Premier ministre Amama Mbabazi, ancien cacique du pouvoir.
Avant de prendre la tête de l'opposition en 2001, M. Besigye avait été médecin personnel de M. Museveni dans le maquis, puis ministre. Il a déjà été battu trois fois à l'élection présidentielle, en 2001, 2006 et 2011.
Premier ministre entre 2011 et 2014, M. Mbabazi était lui tombé en disgrâce et avait été limogé, sur fond de rivalité avec le chef de l'Etat au sein du NRM en vue de la présidentielle.
Le premier a estimé que l'Ouganda se trouvait "à la croisée des chemins" et le second a promis de modifier la Constitution pour restaurer la limitation du nombre de mandats présidentiels, abolie en 2005.
Longtemps des figures du parti au pouvoir, les deux hommes peinent à offrir une alternative convaincante, ainsi qu'à critiquer un système dont ils ont un temps bénéficié, voire qu'ils ont aidé à mettre en place.
'Trente ans, c'est épuisant'
"Depuis l'indépendance, les Ougandais n'ont jamais connu d'alternance par les urnes et beaucoup se demandent si les élections de février seront différentes", résume Gabrielle Lynch, de l'université britannique de Warwick, dans une contribution pour le groupe de presse est-africain Nation Media.
L'opposition aborde ces élections divisée, ayant échoué à s'accorder sur le nom d'un candidat unique.
M. Museveni figure en cinquième position des présidents restés le plus longtemps au pouvoir sur le continent, derrière Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale), Jose Eduardo Dos Santos (Angola), Robert Mugabe (Zimbabwe) et Paul Biya (Cameroun).
"Trente ans, c'est épuisant", estime Abed Bwanika, un pasteur évangéliste, deux fois candidat malheureux à la présidentielle et qui se présente à nouveau cette année. "Je ne pense pas que le président Museveni puisse encore offrir beaucoup en terme d'énergie et de vision pour notre pays".
M. Museveni avait remporté l'élection de 2011 au premier tour avec 68% des suffrages exprimés. Mais M. Bwanika estime qu'il pourrait cette fois-ci être poussé à un second tour. "Si les élections sont truquées, tout le monde devrait se préparer à des violences", prévient-il.
Pour l'avocat Adrian Juuko, membre d'une association de défense des droits de l'Homme, "Museveni pourrait encore finir par gagner, pas forcément parce que les gens l'aiment, mais plutôt par crainte que des violences n'éclatent".
Avec AFP