Dominic Ongwen, devenu au fil des ans un des commandants les plus redoutés de la LRA, est également le premier enfant soldat à être jugé par la Cour pénale internationale (CPI), ce qui, pour les observateurs, représente un terrible dilemme pour la justice internationale.
Après près de trois décennies dans la brousse, Dominic Ongwen doit répondre de 70 crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour son rôle dans une milice qui a, selon l'ONU, massacré plus de 100.000 personnes et enlevé plus de 60.000 enfants.
En Ouganda, des milliers de personnes sont attendues pour regarder en direct les procédures, retransmises dans des salles de classe ou des tentes montées pour l'occasion.
"Depuis quatorze ans, les victimes de la LRA attendent que justice soit faite", a affirmé Sheila Muwanga, vice-présidente de la FIDH. Pour Elise Keppler, de l'ONG Human Rights Watch, ce procès "est une première significative".
La LRA, rendue notamment célèbre par une campagne médiatique d'un groupe d'activistes devenue virale en 2012, "est honnie à travers le monde pour sa brutalité mais jamais un de ses commandants n'a été jugé", a-t-elle ajouté.
Dominic Ongwen, fils de deux professeurs, n'était qu'un enfant quand il est enlevé sur le chemin de l'école près de son village de Coorom, dans le nord de l'Ouganda. A l'époque, Joseph Kony est à la tête de la milice fondée vers 1987 et, mélangeant mystique religieuse, techniques de guérilla et brutalité sanguinaire, tente de fonder un régime basé sur les Dix commandements.
Des victimes ont raconté les rites initiatiques brutaux de la milice, des enrôlés de force contraints de mordre et matraquer amis et parents à mort, de boire du sang. Il est probable qu'Ongwen lui-même ait dû subir ces rites.
En dépit de sa jeunesse, il est repéré pour sa loyauté dans le crime, son courage au combat et ses qualités de tacticien. Il monte rapidement en grade et devient chef d'une des quatre brigades de la LRA, Sinia.
- 'Epouse' à 10 ans -
Mardi, l'ancien chef de guerre, âgé d'environ quarante ans, devra plaider coupable ou non coupable avant les déclarations liminaires de l'accusation et des représentants des 4.109 victimes. Les audiences reprendront ensuite en janvier.
La procureure accuse notamment Dominic Ongwen d'avoir mené ou ordonné des attaques "systématiques et généralisées" contre des civils dans quatre camps de réfugiés perçus comme des sympathisants du président ougandais Yoweri Museveni.
Il est également accusé de l'enrôlement d'enfants soldats, de "mariages forcés" et, pour la première fois, de "grossesses forcées".
Les enfants sont enlevés pour devenir des soldats ou des "épouses", "distribuées aux soldats comme des butins de guerre", assure la procureure dans un document officiel.
Selon celui-ci, l'accusé lui-même aurait eu au moins sept "épouses". L'une d'elles a dix ans quand elle est violée pour la première fois.
- De victime à criminel -
La défense, qui a choisi de ne s'exprimer qu'après la présentation de tous les éléments à charge, considère plusieurs arguments, dont un potentiel syndrome de stress post-traumatique dû à son passé et "la menace permanente d'une mort imminente" par Joseph Kony.
Au coeur du procès, un dilemme pour les juges: Dominic Ongwen peut-il être légalement responsable de crimes alors qu'il a d'abord été une victime?
"Son passé n'est pas une défense en elle-même", a assuré à l'AFP Isabelle Guitard, directrice des programmes au sein de l'ONG Child Soldiers International, qui défend les droits des enfants soldats.
"Beaucoup de criminels ont été des victimes à un moment donné et l'on ne peut exclure toute responsabilité criminelle sur cette base mais ce statut d'enfant soldat pourrait être pris en compte au moment de la détermination de la peine, s'il devait être jugé coupable", a-t-elle ajouté.
Quelle que soit son issue dans les années à venir, l'affaire fera jurisprudence. Et au-delà, pourrait avoir des conséquences importantes, loin des austères salles d'audience de La Haye, pour la réhabilitation, ou le jugement, des centaines de milliers d'anciens enfants soldats à travers le monde.
Avec AFP