"Le Pakistan ne peut pas prospérer tant que la paix n'est pas restaurée", a affirmé l'ex-champion de cricket dimanche pour sa première intervention télévisée. Le message, guère novateur, prend tout son sens dans un pays accusé d'intriguer en Afghanistan et en Inde.
"Nous nous sommes mis nos voisins à dos, nous avons perdu notre prestige", regrettait récemment Bilawal Bhutto-Zardari, jeune leader de l'opposition, devant l'Assemblée nationale. "Le Pakistan est vu comme une partie du problème et non comme une partie de la solution".
Lire aussi : Un ex-champion de cricket élu Premier ministre du PakistanWashington et Kaboul affirment que le pays sert de "refuge" à des extrémistes qui combattent les troupes américaines et afghanes en Afghanistan, ce qu'Islamabad nie.
Début janvier, Donald Trump a accusé le Pakistan de "mensonges" et de "duplicité". Puis il a suspendu son assistance militaire, privant Islamabad de plusieurs centaines de millions de dollars par an.
Mais le président afghan Ashraf Ghani, qui a offert dimanche un nouveau cessez-le-feu aux talibans - ceux-ci ne lui avaient toujours pas répondu mercredi -, pourrait trouver une oreille attentive en la personne d'Imran Khan.
A domicile, l'ancien sportif a été affublé du sobriquet de "Taliban Khan" pour sa volonté maintes fois répétée de négocier avec les insurgés.
Voix crédible
"Imran Khan est très bien positionné pour rebâtir la confiance avec les Afghans, observe Huma Yusuf, analyste du Wilston center, à Washington. Il est vu comme un visage nouveau avec une voix crédible".
Il n'en sera pas forcément de même avec les Etats-Unis, dont il a critiqué les "politiques cruelles", quand leurs drones provoquaient des ravages parmi les civils pakistanais.
Fin 2013, ses supporteurs ont même réussi à bloquer les convois logistiques approvisionnant les bases américaines en Afghanistan lorsque ceux-ci passaient par le nord-ouest du Pakistan.
"Imran Khan cherchera à avoir une approche plus équilibrée avec les Etats-Unis", pronostique Huma Yusuf. "Mais la dérive pakistanaise du camp des Américains vers le camp de la Chine se poursuivra."
Depuis le lancement en 2013 du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), un projet multiforme de 54 milliards de dollars prévoyant la construction de nombreuses infrastructures et de centrales électriques, Pékin est devenu le partenaire incontournable d'Islamabad.
Mais les contrats sont opaques et l'exécutif d'Imran Khan affirme vouloir davantage de "transparence".
"Il faut voir s'ils poursuivront sur cette ligne", remarque Andrew Small, spécialiste des relations Chine-Pakistan. "Le nouveau gouvernement essayera d'éviter tout embarras lié au CPEC", estime-t-il.
L'enjeu est de taille alors que le Pakistan, qui importe beaucoup trop, se trouve au bord de l'insolvabilité. Le pays doit impérativement se refinancer à l'étranger.
Un prêt auprès du Fonds monétaire international est envisagé. Mais les Etats-Unis, principaux contributeurs du FMI, pourraient dicter des conditions très strictes pour cet emprunt. Pékin pourrait alors suppléer le Fonds, espère-t-on à Islamabad.
"La Chine n'accepterait de financer (le Pakistan) que si elle avait un haut niveau de confiance dans l'agenda économique et le management du nouveau gouvernement", analyste Andrew Small, pour qui l'ampleur du prêt - plus de 10 milliards de dollars - "excède" dans tous les cas "les volontés" chinoises.
Dialogue
Reste la thématique indienne, la plus clivante au Pakistan. Depuis leur partition en 1947, les voisins ont connu trois guerres, dont deux autour du Cachemire, vaste territoire montagneux qu'ils revendiquent tous deux et où leurs soldats s'accrochent encore.
Lundi, le nouveau ministre des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi a appelé à un "dialogue ininterrompu" avec New Delhi. "Nous sommes deux puissances atomiques. (...) Nous n'avons pas, à mon avis, d'autre solution que de discuter".
Le précédent Premier ministre Nawaz Sharif souhaitait aussi l'apaisement avec l'Inde. Mais de nombreux observateurs estiment que ses efforts en ce sens lui ont valu l'hostilité de la puissante armée pakistanaise, qui déciderait des politiques étrangère et de défense.
"Sur l'Inde, Imran Khan sera limité. Il ne voudra pas énerver l'armée", affirme Pervez Hoodbhoy, un éditorialiste pakistanais, qui n'attend "rien de significatif en terme de politique étrangère" de la part d'Imran Khan. "Ce n'est pas à lui de décider", assène-t-il.
Interrogé sur cette question, le ministre Qureshi a balayé ces critiques lundi. Si les "contributions précieuses" des institutions sécuritaires seront prises en compte, "la politique étrangère sera faite ici, au ministère des Affaires étrangères", a-t-il assuré.
Avec AFP