A l'appel du plus célèbre d'entre eux, Marwan Barghouthi, "environ 1.500" détenus palestiniens selon l'Autorité palestinienne ont entamé lundi un bras de fer avec les autorités israéliennes en refusant de se nourrir.
Aussitôt, l'administration pénitentiaire israélienne a transféré Marwan Barghouthi et l'a placé à l'isolement dans la prison de Jalame, connue pour avoir "le pire mitard" d'Israël, selon Issa Qaraqee, chargé des prisonniers au sein de l'Autorité palestinienne et lui-même ancien détenu.
Marwan Barghouthi, 57 ans, purge cinq peines de perpétuité pour des attentats meurtriers durant la deuxième Intifada (2000-2005).
Interrogée par l'AFP, l'administration pénitentiaire a refusé de donner le nombre de grévistes ou de détailler les mesures disciplinaires prises à leur encontre. Selon M. Qaraqee, les visites d'avocats et de proches leur sont désormais interdites.
Approche 'Thatcher'
Car Israël a prévenu dès lundi: il n'y a "pas de négociation" possible avec "des terroristes et des assassins", terme utilisé par plusieurs ministres pour qualifier les grévistes de la faim qui réclament notamment des droits de visite élargis, l'accès au téléphone ou des visites médicales régulières.
Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a même plaidé pour "l'approche de Margaret Thatcher". L'ancienne Premier ministre britannique avait en 1981 refusé d'accéder aux exigences de détenus irlandais de l'IRA grévistes de la faim. Dix étaient morts.
M. Qaraqee a dénoncé, auprès de diplomates réunis mercredi à Ramallah, en Cisjordanie occupée, de telles "incitations à la haine". Tandis que Chaawane Jabarine, qui dirige l'ONG palestinienne des droits de l'Homme al-Haq, s'est inquiété de la possible application d'une loi israélienne très controversée qui permet de nourrir de force des détenus en grève de la faim.
De telles pratiques, qui ont suscité une levée de boucliers parmi les médecins israéliens, "s'apparentent à de la torture", a-t-il affirmé. Elles "peuvent mettre en danger la vie des grévistes de la faim" qui n'ingurgitent plus depuis trois jours que de l'eau et du sel.
La ministre israélienne de la Justice Ayelet Shaked a déjà dit qu'elle n'hésiterait pas à utiliser cette loi de 2015 pour briser le mouvement lancé par Marwan Barghouthi, en tête dans les sondages pour une hypothétique présidentielle palestinienne et figure incontournable du parti Fatah du président Abbas.
La grève a été décidée "après des mois de négociations vaines" avec l'administration pénitentiaire, a expliqué M. Qaraqee. Dès lors, si les réclamations des détenus ne sont pas entendues, "davantage de prisonniers rejoindront la grève", a-t-il dit, allant jusqu'à prédire que "90%" des 6.500 détenus palestiniens pourraient refuser de s'alimenter "d'ici dix jours".
'Nouvelle intifada'
Face au risque d'escalade dans un contexte de violences rappelé encore mercredi par une attaque à la voiture bélier qui a fait un blessé avant que son auteur, un Palestinien selon l'armée israélienne, ne soit tué, les Palestiniens ont "demandé à la communauté internationale et à l'ONU d'intervenir immédiatement", a expliqué M. Qaraqee.
Car "si la grève dure, nous pourrions avoir des martyrs et cela signifierait l'explosion pour les Palestiniens. Cela mènerait à une nouvelle intifada", a-t-il prévenu.
La question des prisonniers est cruciale pour les Palestiniens, alors que 850.000 d'entre eux ont été incarcérés depuis l'occupation en 1967 des Territoires palestiniens, selon leurs dirigeants. Ils ont d'ailleurs soumis cette question à l'examen de la Cour pénale internationale (CPI) qu'ils ont récemment rejointe.
"Les pays qui ont signé les accords internationaux", notamment la Convention de Genève sur les prisonniers, "ne doivent pas permettre que l'occupant (israélien) soit au-dessus des lois", a plaidé la députée palestinienne Khalida Jarrar, elle-même récemment sortie de prison.
La dernière grève massive dans les prisons israéliennes remonte à février 2013, lorsque 3.000 Palestiniens avaient refusé de se nourrir durant une journée pour protester contre la mort en détention d'un des leurs.
Parmi les 6.500 Palestiniens actuellement détenus par Israël, figurent 62 femmes et 300 mineurs. Environ 500 d'entre eux sont sous le régime extra-judiciaire de la détention administrative qui permet une incarcération sans procès ni inculpation. 13 députés sont aussi emprisonnés.
Avec AFP