Dans ce dossier, "le droit à la grâce pour raisons humanitaires de l'ex-président Alberto Fujimori ne s'applique pas", ont indiqué les autorités judiciaires sur Twitter.
L'ancien chef d'Etat, qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité et corruption, a été gracié le 24 décembre pour raisons de santé par le président péruvien Pedro Pablo Kuczynski.
Le parquet a ordonné qu'il soit jugé avec 23 autres personnes, dont d'anciens éléments d'un groupe paramilitaire et de l'armée.
Le 29 janvier 1992, alors que le gouvernement Fujimori menait une grande offensive contre la guérilla maoÏste du Sentier lumineux, des membres du Groupe Colina, composé notamment de militaires, avaient enlevé et assassiné six habitants du village de Pativilca, au nord de Lima.
L'opération avait été était menée par un des "escadrons de la mort" lancés par les autorités péruviennes contre la guérilla.
Les procureurs réclament 25 ans de prison contre Alberto Fujimori, accusé d'enlèvements, homicides et association de malfaiteurs.
L'avocat de l'ex-président, Miguel Pérez, a indiqué à la chaîne de télévision RPP avoir informé son client. "Il est parfaitement calme", a-t-il assuré.
"Maintenant, d'un point de vue légal, un appel est possible, pour avoir une décision définitive en deuxième instance" sur la tenue ou non d'un procès incluant M. Fujimori, a dit l'avocat, qui avait proposé que l'ex-chef d'Etat comparaisse comme simple "témoin", ce qu'a refusé le tribunal.
"Cette décision du tribunal signifie que concrètement, le procès va considérer Alberto Fujimori comme un des accusés", a ajouté l'avocat.
La décision du président Kuczynski de gracier M. Fujimori avait soulevé une polémique, ainsi que les critiques d'organisations de défense des droits de l'homme, et provoqué plusieurs manifestations de Péruviens.
M. Kuczynski est accusé d'avoir négocié politiquement cette mesure en échange de son maintien au pouvoir avec le soutien du mouvement politique fondé par M. Fujimori.
"Monsieur Fujimori reprend dès maintenant son statut d'accusé", a souligné lundi l'avocat spécialisé en droits de l'homme Carlos Rivera.
"Je déplore la décision (...) dans l'affaire Pativilca. J'ai bon espoir que mon père sera acquitté, après un procès sans pressions politiques", a déclaré via Twitter Keiko Fujimori, fille de l'ancien président et actuelle présidente du parti politique Fuerza Popular.
Elle a estimé que cette décision ne devait pas constituer une "excuse pour emprisonner à nouveau un homme d'un âge avancé et à la santé fragile", ajoutant que son père "mérite" d'être en liberté pendant le procès.
Les corps jamais retrouvés
La Commission de la vérité et de la réconciliation avait pu reconstituer les faits survenus en janvier 1992 à Pativilca grâce à des témoignages des familles des hommes enlevés et tués ce jour-là.
Les proches des victimes avaient raconté qu'un commando d'hommes vêtus d'habits sombres étaient arrivés dans la nuit au village, avaient capturé et frappé six hommes avant de les emmener dans plusieurs véhicules. Les corps des six victimes - trois agriculteurs, un étudiant, un chauffeur et un professeur - n'ont jamais été découverts.
L'avocate des familles, Gloria Cano, avait exigé que soit respecté le droit des victimes et que le droit de grâce dont dispose le président Kuczynski ne s'applique pas à ce dossier.
"Si le droit de grâce est finalement appliqué, nous allons saisir les instances internationales", avait mis en garde l'avocate.
Des organisations de défense des droits de l'homme et des familles de victimes ont demandé début février à la Cour interaméricaine des droits de l'homme, dont le siège est à San José (Costa Rica), de se prononcer contre la grâce accordée à M. Fujimori.
Cette grâce "équivaut à une insulte à la mémoire et à la dignité de nos frères, mères et fils", avait affirmé une proche des victimes, Carmen Amaro.
Alberto Fujimori a retrouvé la liberté après 12 ans de prison, après avoir été condamné à 25 ans de réclusion pour la mort de 25 personnes tuées par deux "escadrons de la mort" en 1991 et 1992, à Barrios Altos, un quartier de Lima, et à l'université La Cantuta.
Avec AFP