Sissi a carte blanche pour au moins quatre ans

Le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi lors d’une conférence de presse à Hanoi, Vietnam. 6 septembre 2017.

Réélu avec plus de 97% des voix, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a plus que jamais la voie dégagée pour appliquer ses politiques sécuritaires et économiques sans concession, pour les quatre prochaines années voire au-delà.

A la faveur de son succès écrasant, l'ex-maréchal âgé de 63 ans, au pouvoir depuis qu'il a renversé le président islamiste Mohamed Morsi à l'été 2013, peut en effet déjà envisager de prolonger son règne après ce deuxième mandat, avancent des experts.

Avec près de 22 millions de voix, M. Sissi a été réélu face à un unique adversaire, Moussa Mostafa Moussa, partisan autoproclamé du chef de l'Etat. Tous les opposants sérieux avaient au préalable été exclus ou avaient renoncé.

Même si seulement un peu plus d'un Egyptien sur trois s'est rendu aux urnes, ce plébiscite reflète le pouvoir sans partage d'Abdel Fattah Al-Sissi et devrait l'inciter à s'inscrire dans la continuité sur deux dossiers cruciaux pour l'Egypte: la quête de sécurité et le redressement économique.

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Des affiches de Sissi, dans le quartier de Giza, au Caire, le 25 mars 2018.

Traitement lourd

Auteur d'une politique répressive impitoyable contre l'opposition islamiste, mais aussi laïque et libérale, M. Sissi est en position de force pour maintenir la pression sur toute forme de contestation, malgré les vives critiques des ONG.

Face à la menace jihadiste qui a ensanglanté le pays avec plusieurs attentats en 2016-2017, M. Sissi a par ailleurs lancé l'armée le 9 février dans le Sinaï, où sévit la branche égyptienne du groupe Etat islamique (EI).

Toujours en cours, cette opération, qui a fait plus d'une centaine de morts parmi les jihadistes, est loin d'avoir atteint son objectif: elle est vouée à se poursuivre, en dépit des 22 militaires tués jusque-là, selon un bilan officiel.

Quant à l'économie, en berne depuis le soulèvement populaire de 2011, M. Sissi lui a administré un traitement lourd avec un vaste programme de réformes lancé en 2016.

Des subventions étatiques ont été réduites et la devise nationale a été dévaluée en vue de l'obtention d'un prêt de 12 milliards de dollars sur trois ans du Fonds monétaire international (FMI).

Malgré le mécontentement populaire lié à la brutale hausse des prix, Le Caire devrait là aussi poursuivre cet effort, qui vise à assainir les finances publiques.

Désormais, au-delà du maintien quasiment acquis de ces politiques drastiques, "la question qui se pose est de savoir si (M. Sissi) va modifier la constitution pour abroger l'article selon lequel aucun président ne peut gouverner plus de deux mandats", dit à l'AFP Hassan Nafaa, professeur émérite de sciences politiques à l'Université du Caire.

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Le président Sissi à la télévision lors de l'inauguration, en Egypte, le 31 janvier 2018.

Plus de deux mandats?

Omniprésent dans les médias, le président a assuré à plusieurs reprises qu'il n'avait pas l'intention de briguer plus de deux mandats, soit huit ans au pouvoir, mais "toutes les options sont ouvertes", juge-t-il.

Il existe "une grande probabilité" que la constitution soit amendée, renchérit Mustafa Kamel al-Sayed, lui aussi professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, qui note que "les partisans du président ont commencé à en parler" dans les médias.

La Constitution de 2014 a été rédigée au lendemain de la destitution par l'armée -alors dirigée par Abdel Fattah Al-Sissi- du président islamiste Mohamed Morsi, à la faveur de manifestations massives.

La limitation à deux mandats est vue comme un héritage du soulèvement populaire de 2011, dans le contexte du printemps arabe, qui a provoqué la chute du président Hosni Moubarak après 30 ans d'un règne sans partage.

La réélection de M. Sissi s'inscrit dans "un contexte international favorable", observe pour sa part Karim Emile Bittar, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) basé à Paris.

Le succès d'hommes qualifiés de "forts" tels que Vladimir Poutine en Russie ou Xi Jinping en Chine ont eu un écho particulier en Egypte. Le président Sissi a félicité ses deux homologues.

Quant à l'Américain Donald Trump, il a donné un "blanc seing" au président Sissi, estime l'expert.

Après avoir félicité Vladimir Poutine, Rodrigo Duterte aux Philippines et Recep Tayyip Erdogan en Turquie, l'hôte de la Maison Blanche a été l'un des premiers à téléphoner M. Sissi après l'annonce de sa victoire.

Il a notamment évoqué le souhait de "renforcer les relations stratégiques" entre les deux pays, selon un communiqué de la présidence égyptienne.

"Les puissances occidentales ne prennent même plus la peine de faire semblant de soutenir verbalement la démocratie", déplore M. Bittar.

Avec AFP