Plus de transparence fiscale pour l'UE après le scandale des "Panama Papers"

Le Premier ministre britannique David Cameron, le 11 Avril 2016. (REUTERS/Stefan Wermuth)

La Commission européenne a présenté un nouveau plan pour obliger les multinationales à la transparence fiscale, des mesures d'autant plus nécessaires après l'éclatement du méga-scandale des "Panama Papers".

"Les Panama Papers n'ont pas changé notre agenda mais ils ont renforcé notre détermination pour que les impôts soient payés là où les profits sont générés", a argué le Commissaire européen à la Stabilité financière, le Britannique Jonathan Hill, lors d'une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg.

La présentation de ce plan mardi était prévue de longue date, mais elle tombe à point nommé après l'onde de choc mondiale provoquée par les révélations du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) d'un système d'évasion fiscale à grande échelle.

La nouvelle directive de la Commission prévoit de rendre publiques - "pays par pays" au sein de l'UE - les données comptables et fiscales des multinationales, soit leur chiffre d'affaires, leurs bénéfices, ainsi que l'assiette fiscale et les impôts payés dans les différents Etats membres.

Toute entreprise avec une filiale dans l'UE et un chiffre d'affaires d'au moins 750 millions d'euros, quelle que soit sa nationalité, - européenne ou autre - aura l'obligation de publier ces éléments.

Pour celles qui n'ont pas de filiale dans l'UE, la Commission va demander les mêmes informations, mais pour leur activité globale dans le monde entier, en exigeant plus de détails pour leurs activités dans les pays qui seraient sur la liste des paradis fiscaux.

"Notre proposition pour accroître la transparence va conduire les entreprises à se comporter de façon plus responsable", s'est targué M. Hill.

Ce dernier est un proche de David Cameron, devenu dimanche le premier chef du gouvernement britannique à publier sa déclaration d'impôts après avoir admis détenir en 2010 des parts dans la société offshore de son défunt père, basée aux Bahamas.

Pas qu'au Panama

L'exécutif européen s'est engagé mardi à ce que soit établie "le plus rapidement possible la première liste commune dans toute l'UE" de paradis fiscaux.

Car pour l'instant ce n'est pas le cas. Ainsi le Panama n'est officiellement considéré comme un paradis fiscal que par seulement huit pays de l'UE excluant la France. Paris a toutefois décidé la semaine dernière de réinscrire le Panama parmi les paradis fiscaux, une mesure qui doit prendre effet en janvier 2017.

Mais pour les ONG et les eurodéputés Verts et sociaux-démocrates, la proposition européenne ne va pas assez loin.

"En décidant de restreindre l'obligation de déclaration aux entreprises générant plus de 750 millions euros de revenus par an, la Commission limite considérablement le spectre des entreprises concernées", a fustigé Eva Joly, du groupe des eurodéputés écologistes.

En outre, "cette nouvelle proposition s'appliquera uniquement pour les activités des entreprises en Europe", a déploré l'ONG One.

"En réaction au scandale des Panama Papers, la Commission suggère d'étendre cette publication des informations au-delà de l'Europe mais seulement pour les activités réalisées dans les paradis fiscaux, dont la liste reste encore à négocier au niveau européen", observe encore l'ONG.

"Le filet n'est pas tout à fait maillant", a regretté Pervenche Berès, présidente de la délégation socialiste française au Parlement.

A Bruxelles, au coeur du quartier européen Schuman, des ONG mettaient en scène des militants déguisés en affairistes, des billets pleins les poches, sirotant des cocktails sur une plage de sable reconstituée, symbolisant les paradis fiscaux tropicaux.

Mais "il y a aussi des paradis fiscaux au sein même de l'Union européenne, il y a des paradis fiscaux au sein même de grands Etats développés comme les Etats-Unis, donc notre message c'est vraiment la transparence fiscale pour tous", a expliqué à l'AFP Aurore Chardonnet, conseillère politique sur les questions de fiscalité et de lutte contre les inégalités à Oxfam.

La création d'une commission d'enquête parlementaire sur les implications dans l'UE des révélations des "Panama Papers" devrait être annoncée jeudi: les eurodéputés verts, en pointe, sociaux-démocrates, libéraux, centristes et conservateurs s'y sont tous dits favorables mardi.

"Nous aurons une commission d'enquête parlementaire", s'est félicité Philippe Lamberts, président du groupe Verts-ALE, faisant état d'un "feedback positif" de la part des autres groupes politiques.

Avec AFP