Cinq chefs d'Etat et de gouvernement africains ont débuté jeudi à Bujumbura une visite de deux jours pour tenter de convaincre le président burundais Pierre Nkurunziza et son opposition de relancer un dialogue de sortie de crise actuellement au point mort.
Cette visite relève d'une offensive diplomatique plus globale pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise au Burundi, deux jours après la venue à Bujumbura du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon et des représentants du Conseil de sécurité de l'ONU quelques semaines plus tôt.
Le président sud-africain Jacob Zuma, à la tête de cette délégation, est accompagné des présidents mauritanien, sénégalais, gabonais et du Premier ministre éthiopien.
Mardi, Ban Ki-moon avait assuré avoir obtenu des garanties du président Nkurunziza qu'un "dialogue inclusif" serait de nouveau engagé.
Les précédentes tentatives, sous l'égide de l'Ouganda, avaient échoué. Le gouvernement burundais refuse jusqu'à présent de discuter avec une partie de son opposition impliquée, selon lui, dans une tentative de coup d'Etat en mai 2015 et dans les violences actuelles.
"Nkurunziza est un jusqu'au-boutiste et sans de fortes pressions et de véritables sanctions, jamais il n'acceptera de véritables négociations, qui sont les seules capables de sortir le Burundi de la crise" a jugé jeudi Léonard Nyangoma, président en exil d'une plateforme (le Cnared) regroupant la quasi-totalité de l'opposition burundaise.
Le Burundi a plongé dans une grave crise émaillée de violences lorsque le président a annoncé sa candidature en avril 2015 pour un troisième mandat. Réélu en juillet, il a ce faisant violé la constitution ainsi que l'accord d'Arusha qui mit fin à la guerre civile entre 1993 et 2006 (300.000 morts), selon l'opposition, la société civile et une partie de son camp.
Les violences, désormais armées, ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 240.000 personnes à quitter le pays. Des organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé l'existence de fosses communes, de nombreux cas d'exécutions sommaires et d'assassinats ciblés.
Répression 'à l'abri des regards'
L'Union africaine (UA) avait décidé en décembre de déployer une force de 5.000 hommes au Burundi, pour enrayer la spirale des violences. Mais devant l'opposition farouche du président Nkurunziza puis celle de plusieurs chefs d'Etat lors de son dernier sommet, elle a renoncé à cette option.
Cette question "n'est pas à l'ordre du jour", a confirmé à l'AFP un diplomate africain en poste à Bujumbura.
"La présidence attend de cette visite qu'elle vienne d'abord confirmer qu'il y a la paix et la sécurité au Burundi, et donc qu'on ne devrait pas revenir sur la question de l'envoi d'une force", a déclaré à l'AFP Claude Karerwa Ndenzako, porte-parole adjoint du président burundais.
La présidence sud-africaine a cependant jugé utile de faire venir par avion plusieurs véhicules militaires tout-terrain surmontés de mitrailleuses, ainsi qu'une cinquantaine de soldats pour assurer la sécurité de M. Zuma, notamment sur le trajet d'à peine 10km reliant l'aéroport au centre-ville.
La délégation de l'UA devrait rencontrer jeudi des responsables politiques, les autorités religieuses et des membres de la société civile.
Un entretien avec le président Nkurunziza est également prévu, il devrait avoir lieu vendredi.
Les chefs d'Etat africains "doivent délivrer des messages dénués de toute ambiguïté au président Nkurunziza et à l'opposition armée", a appelé le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).
"Il est nécessaire d'insister sur un dialogue crédible (qui se tiendrait) à l'extérieur du pays, sur la fin des attaques provocatrices de l'opposition armée, la fin de l'impunité et des assassinats qui ont toujours cours, ainsi que le respect de l'accord d'Arusha", a poursuivi ICG.
De son côté, l'ONG Human Rights Watch a dénoncé dans un rapport de "nouvelles formes de violations des droits de l'homme".
"Alors que la découverte de cadavres dans les rues de Bujumbura était un phénomène quotidien pendant la seconde moitié de 2015, de nombreuses violations se produisent désormais à l'abri des regards, les forces de sécurité emmenant des personnes dans le plus grand secret et déclinant ensuite toute responsabilité pour leur sort", explique HRW.
AFP