Pour les Sénégalais, la note salée de la Tabaski

Espérant une baisse des prix, certains Sénégalais attendent la dernière minute pour acheter leur mouton à sacrifier pour la Tabaski.

Début juillet. Dakar semble engourdie par un soleil de plomb lorsqu'une sexagénaire traverse à grands pas la cour d'un service du Trésor. Elle vient d’empocher une aide de 61 euros pour la Tabaski dimanche.

Tous les matins dès l'aube, des dizaines de Sénégalais font la file pour toucher ce pécule offert par la municipalité aux plus nécessiteux, indispensable pour préparer la fête musulmane de l'Aïd al-Ahda, connue sous le nom de Tabaski en Afrique de l'Ouest.

Pendant que la classe politique se querelle avant les élections législatives du 31 juillet, une partie de la population peine à joindre les deux bouts à l'approche de cette fête religieuse.

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Tabaski: la hausse des prix inquiète les éleveurs sénégalais

Les prix des denrées au Sénégal ne cessent de grimper, en raison de la spéculation des commerçants et des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. De plus en plus de ménages sont à la peine, faisant monter la colère populaire.

"Tout coûte très cher. Les oignons, le riz... Cette année, le menu sera léger. Juste du mouton grillé à se mettre sous la dent et ce sera tout. On va se passer du fromage, des cadeaux et de tout ce qu’on achetait pour agrémenter l’évènement", explique à l'AFP Fatou Diop, la soixantaine, assise en attendant son tour pour percevoir l'aide municipale.

"Ils sont 15.000 (demandeurs) cette année à réclamer l'aide pour la Tabaski, presque le double de l’an dernier", confie Samba Ndoye qui vérifie les fiches d'identification des bénéficiaires.

"Tout augmente"

Selon un rapport du ministère de l'Economie publié en avril, les prix à la consommation ont augmenté de 7% sur un an, portés par l'envolée du coût "des produits alimentaires et boissons non alcoolisées (+11,4%)". "Et le rapport de juillet s'annonce encore plus inquiétant", assure une responsable du ministère sous couvert de l'anonymat.

"Tout augmente", abonde Massamba Ndoye, 45 ans, le front plissé. "La somme de 40.000francs CFA (61 euros) que donne la mairie n'achète pas un mouton, mais c'est mieux que rien", ajoute cet agent de sécurité.

Pour la Tabaski, appelée aussi "la fête du mouton", les musulmans sacrifient cet animal en signe de dévotion à Dieu, et les familles en achètent un ou plusieurs pour l'occasion. Partout à Dakar, des marchands installent des enclos, parfois à même les trottoirs. Abdou Mbaye, 35 ans, est de ceux-là. Il a entassé une dizaine de bêtes dans une petite cour du quartier populaire de Ouakam.

"Dernière minute"

"Cette année, les prix de mes moutons varient entre 150.000 et 700.000 Fcfa (228 euros et 1.067 euros)", en hausse par rapport à l'an dernier, indique-t-il à l'AFP. Pour lui, cette hausse est due à celle du prix des aliments pour le bétail et des coûts de transport afin de les mener jusqu'à Dakar.

"Le Sénégal n’a pas l’autosuffisance en matière de bétail, notamment pour le mouton. Nous dépendons encore de l’approvisionnement de la Mauritanie et du Mali", souligne Ismaila Sow, président du Conseil sénégalais des éleveurs.

"Cette année, la crise politique au Mali et la hausse du prix des aliments du bétail, composés de blé et de maïs importés de Russie et d'Ukraine, ont un réel impact sur le prix d'achat du mouton", poursuit-il. Mais le prix du mouton n'est pas le seul à monter, celui des oignons, l’un des principaux ingrédients de la cuisine sénégalaise, est tout aussi épicé.

"Il n’y a même pas une semaine, le sac de 25 kgs d’oignons coûtait entre 2.500 et 3.000 Fcfa (entre 3.8 et 4.5 euros) et actuellement, on le vend à 7.500 Fcfa (11,5 euros)", constate Boubacar Sall, président du collège national des producteurs d'oignons au Sénégal. Il explique que les marchands profitent de cette période faste pour écouler les invendus et renflouer leurs caisses.

Mais alors que bon nombre de Sénégalais grincent des dents, Serigne Diaw, un responsable du ministère du Commerce, estime que "les prix sont stables sur le marché". L'agent de sécurité Ndoye dit attendre la "dernière minute" pour acheter son mouton. Il espère que les vendeurs écoulent leurs bêtes à vil prix, fatigués d'attendre de "gros clients".