"Ça, c'est fort. C'est ridicule", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Robert Palladino.
Le pouvoir vénézuélien a accentué jeudi la pression sur Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, en le déclarant inéligible durant 15 ans, une sanction aussitôt rejetée par le chef de file de l'opposition.
Cette décision a fait monter la tension dans ce pays pétrolier paralysé par une nouvelle panne d'électricité massive depuis lundi et qui compte deux dirigeant rivaux se disputant le pouvoir : le chef d'Etat socialiste Nicolas Maduro et le député de centre-droit Juan Guaido.
Sur la scène internationale aussi, la tension ne redescend pas entre Washington et Moscou à propos de la présence de soldats russes au Venezuela: ce pays d'Amérique du Sud est devenu un point de friction supplémentaire de la nouvelle Guerre froide opposant les deux géants.
A Caracas, le Contrôleur général de la République, Elvis Amoroso, chargé de veiller à la transparence de l'administration au Venezuela, a décidé jeudi à la mi-journée "d'interdire l'exercice de toute fonction élective au citoyen (Juan Guaido) pour la durée maximum prévue par la loi", soit 15 ans, pour corruption présumée, a-t-il déclaré à la télévision d'Etat.
Selon M. Amoroso, jugé proche du pouvoir en place, l'opposant n'a pas justifié, dans ses déclarations de patrimoine, certaines dépenses réalisées au Venezuela et à l'étranger avec des fonds provenant d'autres pays.
"Il a réalisé plus de 91 voyages hors du territoire pour un coût supérieur à 310 millions de bolivars (quelque 94.000 dollars au taux actuel), sans justifier l'origine de ces fonds", a expliqué le Contrôleur, qui a demandé au parquet d'"exercer les actions correspondantes", sans plus de précision.
Personne ne reconnaît personne
Dans la foulée, Juan Guaido a rejeté cette sanction lors d'un discours devant ses partisans alors qu'il présentait son plan pour le Venezuela.
"Il n'est pas contrôleur. Il ne l'est pas (...) et il n'existe pas de sanction d'inéligibilité (...) Le Parlement légitime est le seul ayant le pouvoir de désigner un contrôleur", a déclaré Juan Guaido, rappelant qu'Elvis Amoroso avait été nommé à ce poste par l'Assemblée constituante, acquise au pouvoir et qui remplace dans les faits le Parlement, seul organisme contrôlé par l'opposition.
Les Etats-Unis ont qualifié de "ridicule" la sanction. "Ça, c'est fort. C'est ridicule", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Robert Palladino.
Dans ce pays où personne ne reconnaît la légitimé de personne, difficile de dire quel seront les conséquences de cette décision qui vise Juan Guaido, également président du Parlement. Ni s'il va pouvoir continuer à siéger, la sanction étant en théorie d'application immédiate.
L'ancien candidat à la présidentielle de 2013 Henrique Capriles avait été sanctionné de la même façon et déclaré inéligible, ce qui l'avait empêché de se présenter par la suite en 2018.
Dans la rue, les Vénézuéliens faisaient face à la nouvelle panne électrique géante qui frappe leur pays en ayant recours à des "méthodes du Moyen Age": marcher pendant des heures, fabriquer des lampes à huile ou aller chercher de l'eau à la source.
"Cela fait perdre patience à n'importe qui (...) Ca suffit! Ce n'est pas la première panne", s'est plaint Mauro Hernandez, 57 ans, qui a dû marcher durant une heure et demi pour rejoindre son travail.
Passe d'armes
Jeudi après-midi, le ministre de la Communication Jorge Rodriguez a annoncé que le courant était revenu "dans la plus grande partie" du Venezuela, pays de 30 millions d'habitants.
Un peu plus tôt, une nouvelle passe d'armes a opposé Russes et Américains.
Washington reconnaît comme une cinquantaine de pays Juan Guaido comme président par intérim et réclame le départ de Nicolas Maduro, tandis que Moscou accuse les Etats-Unis d'essayer d'organiser un "coup d'Etat" dans ce pays aux immenses réserves pétrolières.
Ces tensions ont connu un nouveau pic depuis l'arrivée le week-end dernier de deux avions russes, un Antonov An-124 et un Iliouchine Il-62, à Caracas. Selon des médias vénézuéliens, ils transportaient 99 militaires et 35 tonnes de matériel, sous le commandement du chef de l'armée de terre russe, le général Vassili Tonkochkourov.
Recevant mercredi dans le Bureau ovale Fabiana Rosales, épouse de Juan Guaido, Donald Trump a haussé le ton: "La Russie doit partir" du Venezuela.
En réponse, la Russie a demandé à Donald Trump de la "respecter" et de ne pas se mêler de ses relations avec Caracas, où elle a confirmé avoir envoyé des "spécialistes" militaires chargés de mettre en oeuvre les contrats d'achat d'armement entre Moscou et Caracas.