Ce professeur d'économie de 69 ans a tenu son premier grand meeting de "candidat consensuel" dimanche seulement, et n'aura eu que six jours pour battre la campagne. Mercredi soir encore, aucune affiche ne le présentait aux Gabonais à Libreville, dont les rues sont littéralement monocolores, pavoisées depuis deux semaines au portrait du président Bongo et aux couleurs de son tout-puissant Parti Démocratique Gabonais (PDG).
Lire aussi : Présidentielle au Gabon: enquête ouverte sur un enregistrement attribué à l'oppositionA 64 ans et au pouvoir depuis 14 ans, le chef de l'Etat, lui, mène tambour battant depuis plusieurs mois une tournée très médiatisée dans toutes les provinces du pays, avec des moyens considérables, "ceux de l'Etat" accuse l'opposition.
Près de 850.000 électeurs inscrits dans ce petit pays d'Afrique centrale, riche de son pétrole et peu peuplé (2,3 millions d'habitants), voteront de manière inédite pour trois élections le même jour: présidentielle, législatives et municipales. Les deux premières sont regroupées en un seul vote par le truchement d'un bulletin unique pour les candidats à la présidentielle et à la députation issus d'un même parti.
"Bulletin inique"
Une procédure instaurée à un mois du scrutin seulement, un "bulletin inique" selon l'opposition qui dénonce une "manœuvre frauduleuse" visant à favoriser le camp Bongo en bafouant, selon elle, "la liberté de vote" et "la séparation des pouvoirs".
La principale plateforme de l'opposition, Alternance 2023, qui s'est rangée une semaine avant le scrutin derrière un inattendu "candidat consensuel" en la personne du professeur Ondo Ossa, appelle à "ignorer" les législatives pour se concentrer sur la présidentielle, "seul enjeu des élections". Car il se présente aux urnes comme "indépendant", donc sans parti et par conséquent sans prétendant à la députation sur le même bulletin.
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L'opposition avait déjà critiqué, à cinq mois du scrutin, une "modification des règles du jeu" visant à tailler une réélection sur mesure au sortant, notamment en faisant repasser le scrutin de deux à un tour, gagnable donc à la majorité relative. Ce qui avantagerait théoriquement M. Bongo face à 13 autres candidats.
Le chef de l'Etat a été élu en 2009, après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans. Puis réélu en 2016 mais laborieusement, avec 5.500 voix seulement d'avance sur l'opposant Jean Ping, qui dénonçait des "fraudes". Ce scénario, le PDG veut l'éviter cette année avec une "victoire cash".
"Dynastie Bongo"
S'il était réélu pour cinq ans, "60 ans de dynastie Bongo, ça suffit", vocifère M. Ondo Ossa lors de ses meetings, au diapason des cinq ex-candidats au sein d'Alternance 2023 qui se sont désistés à son profit vendredi, à la surprise générale. Dont au moins deux ténors et favoris de l'opposition, pourtant adossés à des partis solidement implantés, qui semblaient ne rien vouloir se céder l'un à l'autre à l'approche du scrutin.
Albert Ondo Ossa, ministre d'Omar Bongo de 2006 à 2009, est un éminent économiste, très à l'aise dans ses adresses au public mais peu connu dans les quartiers populaires, la classe moyenne, et chez les jeunes, en dehors des étudiants à l'université de Libreville où ce professeur agrégé enseigne.
En raison de l'appel d'Alternance 2023 à les boycotter, mais aussi de l'omnipotence du PDG, parti unique jusqu'en 1990 puis archi-dominant, la victoire aux législatives paraît acquise au camp Bongo, qui jouit déjà d'une écrasante majorité à l'Assemblée nationale sortante. M. Ondo Ossa, lui, a promis de dissoudre la nouvelle chambre basse s'il est élu président.
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Un AVC en octobre 2018 avait laissé M. Bongo de longs mois invisible et une partie de l'opposition continue, bientôt cinq ans après, de mettre en doute ses capacités physiques et intellectuelles à diriger le pays. La majorité, elle, dénonce des campagnes centrées sur sa santé, "sans aucun autre programme".
Le Gabon est l'un des pays les plus riches d'Afrique en PIB par habitant (8.820 dollars en 2022), grâce à son pétrole, son manganèse et son bois notamment. Mais, malgré des efforts du régime, il ne parvient pas à diversifier suffisamment, selon la Banque mondiale, une économie qui importe quasiment tous ses produits finis et denrées alimentaires. "Malgré son potentiel économique, le pays peine traduire la richesse de ses ressources en une croissance durable et inclusive" et un tiers (32,9%) de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté, écrit l'institution en avril 2023.