La capitale économique du pays le plus peuplé d'Afrique est l'un des plus grands réservoirs de voix dans cette course présidentielle très disputée entre trois favoris, et dont l'annonce des résultats Etat par Etat ne fait que commencer. Peter Obi, candidat du Parti travailliste (LP), a remporté 582.454 voix (soit près de 43% des suffrages exprimés à Lagos).
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L'outsider Peter Obi a créé la surprise en remportant l'Etat-clé de Lagos, fief du parti au pouvoir, selon les premiers résultats de la présidentielle au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, au terme d'un scrutin serré dont l'issue restait incertaine lundi.
Plus de 87 millions d'électeurs ont voté samedi pour choisir parmi 18 candidats la personne qui aura la lourde tâche pendant quatre ans de redresser le Nigeria, plombé par une économie en berne, les violences récurrentes de groupes armés et de bandits, ainsi qu'un appauvrissement généralisé de la population.
La bouillonnante capitale économique compte le plus grand nombre d'électeurs inscrits du pays, plus de sept millions, et constitue le bastion du candidat de l'APC (au pouvoir) Bola Tinubu, 70 ans, qu'il a gouverné de 1999 à 2007. Avec 46% des suffrages à Lagos, selon les résultats provisoires de la Commission électorale nationale (Inec), M. Obi obtient une courte avance de moins de 10.000 voix sur son principal adversaire.
Le "parrain", comme est surnommé Tinubu du fait de son influence politique, a reconnu sa défaite dans un communiqué, appelant au calme après que des violences aient éclaté à Lagos lundi: "parfois vous gagnez, parfois vous perdez. Nous devons permettre au processus de se poursuivre sans entrave dans le pays".
Pour M. Obi, "c'est une victoire importante, car Tinubu est chez lui à Lagos, il en est considéré comme le propriétaire", a commenté Idayat Hassan, directrice du Centre pour la démocratie et le développement (CDD) à Abuja. "L'élection de 2023 redéfinit la machine politique au Nigeria", selon elle.
Très populaire auprès d'une partie de la jeunesse, le candidat du Parti travailliste (LP) parvient ainsi à s'imposer comme un challenger crédible face aux deux partis (APC et PDP) qui gouvernent le Nigeria depuis plus de 20 ans. Et pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, le pays pourrait connaître une présidentielle à deux tours.
Vote communautaire
Ce scrutin est crucial: le Nigeria - 216 millions d'habitants - devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l'Afrique de l'Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences jihadistes.
La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l'Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy. Mais face aux immenses difficultés du quotidien, aggravées par de récentes pénuries, de nombreux Nigérians appellent au "changement", écœurés par des décennies de mauvaise gouvernance et une élite vieillissante, réputée corrompue.
Pour M. Obi, ex-gouverneur d'Anambra (sud-est) et chrétien de 61 ans, la partie est toutefois loin d'être gagnée. Surtout dans le nord densément peuplé du pays, où le taux de participation est traditionnellement plus élevé et où Bola Tinubu comme le candidat du PDP Atiku Abubakar, de confession musulmane, bénéficient d'une vaste assise.
Le vote communautaire est important au Nigeria qui compte plus de 250 groupes ethniques, polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne. Or, pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération auxquels s'ajoute le territoire d'Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans les 21 jours.
L'annonce des résultats complets va prendre du temps: lundi à la mi-journée, la Commission électorale nationale (Inec) à Abuja n'avait donné les chiffres officiels que pour quatre Etats : Ekiti (APC), Osun (PDP), Ondo (APC), et Kwara (APC).
Accusations de fraudes
Le vote de samedi s’est déroulé dans le calme, malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques, qui ont provoqué des retards: les dépouillements se sont parfois prolongés tard dans la nuit, en présence de nombreux électeurs restés pour "protéger" leur vote.
Mais le processus électoral s'est compliqué au moment du transfert électronique des résultats, expérimenté pour la première fois au niveau national: la plupart des agents, qui étaient censés télécharger les résultats depuis les quelque 176.000 bureaux sur une plateforme de l'Inec (Inec), n'ont pas réussi à le faire.
Cette nouveauté avait été introduite pour améliorer la transparence du scrutin et restaurer la confiance des électeurs dans ce pays où les élections passées ont toutes été entachées d'accusations de fraudes.
Seuls 30% des résultats ont été téléchargés sur la plateforme de l'Inec, qui a reconnu "des problèmes techniques" tout en assurant que les résultats "étaient en sécurité" et ne pouvaient pas "être falsifiés". Mais déjà, les accusations de manipulations et d'attaques sur les centres de collecte ont fusé.
Dimanche, l'ancien vice-président Atiku Abubakar du PDP, 76 ans, qui brigue pour la sixième fois la présidence, a appelé l'Inec à rester neutre et à publier les résultats au plus vite, affirmant que certains gouverneurs essayaient de compromettre le processus électoral. De son côté, le Parti travailliste de Peter Obi a également évoqué des "pressions" de l'APC sur l'Inec.