Présidentielle tchadienne : le camp Masra dénonce des "menaces et violences graves"

Le Premier ministre tchadien Succès Masra.

Le parti du Premier ministre tchadien Succès Masra, candidat à la présidentielle de lundi, a dénoncé mercredi des "violences et menaces graves" contre son chef et ses partisans ainsi que des fraudes, appelant "le peuple" à "défendre sa volonté exprimée dans les urnes".

M. Masra, 40 ans, ancien farouche opposant rallié au pouvoir militaire, est candidat contre le président de transition, et chef de la junte depuis trois ans, le général Mahamat Idriss Déby Itno, qui l'a nommé Premier ministre le 1er janvier.
.

Your browser doesn’t support HTML5

Focus Sahel, épisode 56 : la présidentielle au Tchad


L'opposition, violemment réprimée et dont les principales figures ont été évincées de la course à la présidence, considère Masra comme un "traître", candidat pour donner un "vernis démocratique" à un scrutin "joué d'avance" pour Déby. Mais, en rassemblant des foules considérables durant sa campagne, le Premier ministre est apparu finalement comme un rival pouvant inquiéter le général, au moins le pousser à un second tour, prévu le 22 juin.

"Arrestations arbitraires"

Le Premier ministre fait l'objet de "surveillance" et de "menaces à sa sécurité (...) extrêmement graves", assure son parti Les Transformateurs dans un communiqué lu sur sa page Facebook.

Il dénonce également des "menaces et violences graves" visant ses sympathisants et "des arrestations arbitraires" depuis le scrutin de lundi, "le refus d'accès à des bureaux de vote" pour observer le dépouillement, "des violations inimaginables, y compris des tirs à balles réelles, afin de s'accaparer des bulletins et des procès-verbaux".

Les Transformateurs avertissent qu'ils "n'entendent pas continuer à subir de manière impassible ces actions" qu'ils ne détaillent pas et imputent à "certaines autorités administratives et quelques forces de défense et de sécurité", qui agissent "avec les moyens de l'Etat". Ils appellent "le peuple à rester vigilant et mobilisé pour défendre sa volonté exprimée dans les urnes".

Selon le parti, "la résidence privée" de Masra "fait l'objet d'une surveillance par drone", "une vidéo publiée en ligne par un ministre (...) montre des images dévoyées (...) visant à le diffamer", le tout "assorti de menaces à sa sécurité extrêmement graves". Les militants des Transformateurs ont subi "des arrestations arbitraires", d'autres sont "activement recherchés", toujours selon le parti.

"Risques"

Un "ensemble de comportements inacceptables" qui font "peser des risques sur le processus électoral en cours". Les résultats officiels doivent être annoncés le 21 mai, mais Les Transformateurs estiment déjà que "les Tchadiens ont voté massivement et exprimé très clairement leur ferme volonté de changement porté par le candidat" Masra. En évoquant "des données compilées par les états-majors des candidats", sans plus de détails.

MM. Déby et Masra faisaient face à huit autres candidats mais relativement peu connus ou réputés peu hostiles au pouvoir militaire. Après 30 années au pouvoir sans partage, le maréchal Idriss Déby Itno avait été tué par des rebelles en avril 2021 en se rendant au front, et l'armée avait immédiatement proclamé son fils Mahamat Président de transition à la tête d'une junte de 15 généraux.

Trois ans plus tard lundi, ce jeune général de 40 ans tente de faire légitimer sa présidence dans les urnes. Nombre d'observateurs prédisaient jusque récemment qu'il s'agirait d'une formalité, comme pour son père élu et réélu six fois après son coup d'Etat de 1990. Mais ils estiment aujourd'hui que Masra pourrait jouer les trouble-fête.

Vendredi, au diapason d'une opposition qui a boycotté un scrutin truqué selon elle et destiné à perpétuer plus de trois décennies de "dynastie Déby", la Fédération Internationale pour les droits humains (FIDH) s'était inquiétée d'une "élection qui ne semble ni crédible, ni libre, ni démocratique", "dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains".

L'ONG International Crisis Group (ICG) avait également émis des "doutes sur la crédibilité du scrutin" après l'éviction des candidats d'une "opposition politique muselée".