Présidentielle tchadienne : des opposants recalés

Le candidat à la présidentielle Nassour Ibrahim Koursami (centre) entouré des membres du GCAP.

Dix candidatures à la présidentielle au Tchad, dont celles de deux farouches opposants à la junte au pouvoir, Nassour Ibrahim Neguy Koursami et Rakhis Ahmat Saleh, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, a annoncé ce dernier dimanche.

Le dossier de huit candidats de petites formations et des deux opposants a été jugé "non conforme" et "irrecevable", en raison notamment d’irrégularités dans les pièces administratives requises, a justifié lors d'une audience solennelle le Conseil constitutionnel, en charge de la validation des candidatures pour le scrutin dont le premier tour a été fixé le 6 mai.

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Dix candidats sont encore en lice, dont le président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, et son Premier ministre Succès Masra, un ancien opposant dont la participation est dénoncée par l'opposition comme une "candidature prétexte" destinée à donner un semblant de pluralité à un scrutin qu'elle considère gagné d'avance pour Mahamat Déby.

Une analyse validée par Kelma Manatouma, chercheur et professeur de sciences politiques à l’université de N’Djamena: "C’est une candidature prétexte car il faut d'autres candidats contre M. Déby pour dire qu’il y a un jeu démocratique", estime-t-il. "Le pouvoir ne veut pas faire face à une opposition crédible dans les urnes", s'est insurgé auprès de l’AFP Nassour Ibrahim Koursami, qui avait été investi par le GCAP, une des principales plateformes de l’opposition au Tchad.

Il "n'a fait que valider la liste de candidats qui va accompagner le chef de la junte lors de l’élection présidentielle", a ajouté l’opposant. Le Conseil constitutionnel a annoncé l'ouverture à son encontre "d'une enquête préliminaire en vue de poursuite pénale" pour "faux et usage de faux", en raison de suspicions sur des pièces justificatives fournies dans son dossier de candidature.

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"Tout l’argumentaire utilisé ne tient pas la route", a déclaré de son côté Rakhis Ahmat Saleh, qui était le candidat du Parti pour le renouveau démocratique au Tchad (PRDT), en dénonçant "une véritable forfaiture" et des "manœuvres" du Conseil constitutionnel pour écarter des candidats "sans raison valable".

"Il n'y aura pas d'élection, il s'agit en réalité de choisir des candidats qui accompagnent le chef de la junte pour la confirmation du maintien au pouvoir de la dynastie à travers Kaka (surnom donné à Mahamat Déby, NDLR)", a commenté pour l'AFP Ahmat Mahamat Hassan, un constitutionnaliste tchadien. "Le Conseil a fait la stricte application des dispositions de la Constitution et du code électoral, on ne peut pas contester notre partialité" a rétorqué à l'AFP un membre du greffe du Conseil constitutionnel, sous le couvert de l'anonymat.

"Mascarade"

Une autre des grandes plateformes de l'opposition au Tchad, Wakit Tamma, avait appelé samedi à boycotter l'élection présidentielle, en fustigeant une "mascarade" destinée à perpétuer une "dictature dynastique".

Dans un communiqué, la plateforme avait notamment dénoncé l'organisation de l'élection par les autorités de transition sous la houlette du général Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé par une junte militaire président de la transition en avril 2021, après la mort de son père Idriss Déby Itno qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis 30 ans. Wakit Tamma avait notamment qualifié l'Agence nationale de la gestion des élections (ANGE) et le Conseil constitutionnel d'"organes de fraude", "entièrement inégalitaires et inféodés à la junte".

Le rejet de la candidature des principaux opposants à la junte intervient moins d'un mois après la mort du principal rival politique du général Déby, son propre cousin Yaya Dillo Djérou, tué le 28 février par des militaires dans l'assaut du siège de son Parti socialiste sans frontières (PSF). Il a été tué d'une balle dans la tête tirée à bout portant, selon le PSF, un "assassinat" destiné à l'écarter de la course à la présidentielle selon l'opposition, ce que nie le gouvernement.

Human Rights Watch (HRW) a réclamé début mars une "enquête indépendante" avec une "aide étrangère" sur "le meurtre" de Yaya Dillo, avançant que "sa mort soulève de graves questions sur le climat politique dans le pays à l'approche de l’élection". Le Premier ministre tchadien Succès Masra avait par la suite promis qu'une "enquête de type international" serait menée par son gouvernement pour "déterminer les responsabilités" dans la mort du principal opposant à la junte.