Selon le rapport rendu public par quatre ONG nationales de défense des droits de l’Homme, près de 150 personnes ont perdu la vie dans quatre provinces en moins de deux ans.
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Les décès ont été observés dans les villages situés dans les provinces du Mayo Kebbi Ouest et de la Tandjilé dans le Sud du pays, et les provinces du Ouaddaï et du Sila dans l’Est.
Des milliers des cases ont été incendiées, des personnes déplacées, de nombreux champs détruits et des centres de santé fermés. Les blessés qui nécessitent des opérations chirurgicales se cachent par peur d’être arrêtés sur les lits d’hospitalisation.
Pour le président de la Ligue tchadienne des droits de l’Momme Me Midaye Guerimbaye, qui a conduit la mission dans les provinces du Sud, c’est l'exploitation de la gestion du terroir par des hommes politiques qui a causé toutes ces drames.
Pour lui, "les règles de gestion du terroir sont déterminées par la loi", mais quand les "hommes politiques disent à leurs chefs de village au moment des campagnes électorales que s’ils sont élus, ils vont ériger le village en chef-lieu du gouvernorat ou chef-lieu du département, comment voulez-vous que ces gens ne les suivent pas?" Me Midaye Guerimbaye estime que les autorités administratives ont failli à leur devoir.
"Mais on se tue pour laisser la place à qui?" S’interroge-t-il.
Le président Idriss Déby Itno reconnaît que ces conflits prennent une autre tournure qu’il faut combattre à tout prix.
"Les conflits intercommunautaires ne sont pas simplement localisés dans une seule province du Tchad mais pratiquement sur l’ensemble du territoire. C’est un phénomène qui est quelque part initié ici à N’Djamena par des hommes politiques. Je pense que nous devrions engager une guerre totale contre ceux qui portent des armes illégalement et contre ceux qui sont à l’origine des morts d’homme dû à ces conflits sur l’ensemble territoire", a déclaré le président tchadien.
Lire aussi : Etat d'urgence dans l'est après des violences intercommunautairesPour Nadji Doudering Azina, un natif du village Kolong, province de la Tandjilé, ce qui s’était passé les 4 et 5 juillet 2019 dans son village est une tuerie organisée et non un conflit intercommunautaire, moins encore un conflit éleveur/agriculteur, car dit-il, les éléments des forces de défense et de sécurité ont tiré à bout portant sur les gens, tuant une dizaine de personnes.
La justice a été saisie et des présumés auteurs ont été arrêtés. Mais Nadji Doudering Azina n’attend rien de cette justice.
"Au moment où nous parlons, il y a une trentaine de personnes qui sont arrêtées on ne sait pas pourquoi. S’il y a bagarre, il y a toujours deux camps. Mais arrêter les gens d’un camp et les autres sont en liberté, vous parlez de quelle justice ? La justice divine peut-être, mais pour le moment on n’attend rien de la justice du Tchad", déplore M. Nadji Doudering Azina.
Le ministre de la Justice, Djimet Arabi, assure l’opinion nationale que les gens qui ont été interpellés lors de ce conflit ont fait l’objet d’auditions et de procès-verbal des officiers de la police judiciaire.
Mais étant donnant que ces gens ont été transférés à N’Djamena, le ministre de la justice affirme avoir instruit le dessaisissement du tribunal de Pala au profit de celui de N’Djamena pour que les responsabilités soient établies.
"Les gens qui ont été interpellés et transférés à N’Djamena. Les deux parties belligérantes font partie de cette liste et c’est notre justice qui va juger. Il n’y a pas une autre justice qui va le faire à notre place", a-t-il souligné.
Le rapport des ONG recommande aux instances de l’Etat de faire obligation à tous les responsables politiques et les députés d’intégrer dans leurs cultures des projets politiques la dimension nationale plutôt que de privilégier leur vision étriquée de régionalisme et d’éthnicisme.
Lire aussi : Division sur la nomination d’un nouveau chef traditionnel du OuaddaïLes ONG recommandent de rendre obligatoire la sédentarisation des enfants des éleveurs, et aussi de mettre en place des écoles et collèges mixtes où seront admis les enfants des différentes communautés.Elles exigent aussi du gouvernement la nomination à la tête des unités administratives, de la gendarmerie, de la police et des gardes nomades, de personnes instruites, formées dans le domaine du maintien de l’ordre.
Ces ONG demandent au gouvernement d’instruire les autorités administratives et sécuritaires de réprimer toute tentative d’instrumentaliser la population, de revoir la politique de gestion du terroir, d'assure l'indépendance des magistrats et de faciliter l’accès du monde rural à la justice.