Putsch au Soudan: tirs de lacrymogènes contre les manifestants, réunion à l'ONU

Des gens brûlent des pneus lors d'une manifestation le lendemain de la prise du pouvoir par l'armée à Khartoum au Soudan, le 26 octobre 2021.

Les forces de sécurité ont tiré mardi des gaz lacrymogènes contre des manifestants bloquant les routes dans la capitale Khartoum pour protester contre le coup d'Etat mené par le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane.

Retenu depuis le coup d'Etat lundi au Soudan par le général Burhane, le Premier ministre limogé Abdallah Hamdok a été ramené en soirée chez lui à Khartoum et des "mesures de sécurité ont été prises dans le périmètre de son domicile", a indiqué un responsable militaire, semblant signifier qu'il avait été assigné à résidence.

Lire aussi : Coup d'Etat au Soudan: l'occident condamne, l'Union africaine appelle au dialogue

A New York, le Conseil de sécurité a entamé une réunion à huis clos sur le coup de force au Soudan, condamné en Occident et qui a coûté à ce pays pauvre d'Afrique de l'Est, une aide américaine cruciale et pourrait lui causer la perte du soutien financier européen.

Pour le second jour consécutif, des milliers de Soudanais ont manifesté contre l'armée à Khartoum, bloquant les rues du centre-ville avec des pierres, des branchages et des pneus brûlés, tandis que les forces de sécurité ont été déployées avec leurs blindés sur les ponts et grands axes.

En soirée, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes contre les manifestants pour dégager un important axe routier, selon des témoins. Mais les protestataires ont continué à le bloquer.

Lundi, quatre manifestants ont été tués par des tirs de l'armée selon un syndicat de médecins prodémocratie, et 80 blessés.

Après la proclamation de la "désobéissance civile", les manifestants veulent, disent-ils, "sauver" la révolution qui a renversé en 2019 le régime de l'autocrate Omar el-Béchir tombé sous la pression de la rue et de l'armée.

"On ne quittera la rue qu'une fois le gouvernement civil réinstallé", a affirmé à l'AFP Hocham al-Amine, ingénieur de 32 ans.

- Aides en péril -

Lors d'une conférence de presse à Khartoum mardi, le général Burhane, nouvel homme fort du Soudan, a défendu son coup de force et l'armée, au lendemain de la dissolution des institutions du pays et l'arrestation de ministres et responsables civils.

Il a affirmé avoir dissous les autorités chargées de mener la transition vers un pouvoir civil et des élections car "certains attaquaient l'armée", "composante essentielle de la transition". Et le général Burhane a indiqué que M. Hamdok était "chez lui" avant l'annonce du retour de ce dernier à son domicile.

Dans ce contexte explosif, les vols vers et depuis l'aéroport de Khartoum ont été suspendus jusqu'à samedi.

Englué depuis deux ans dans une transition tuée dans l'oeuf, le Soudan est désormais plongé dans l'inconnu, alors que la chute du régime Béchir et la signature d'accords avec les rebelles avaient fait croire à une issue après des décennies de crises.

La répression de la révolte par les forces de M. Béchir avait fait plus de 250 morts.

Après le coup d'Etat, les Etats-Unis ont annoncé lundi la suspension de 700 millions de dollars d'aide à Khartoum. Et mardi, l'Union européenne a menacé de suspendre son soutien financier si les militaires ne rendent pas le pouvoir immédiatement.

Avant le retour "chez lui" de M. Hamdok, le chef de l'ONU Antonio Guterres avait appelé à le libérer "immédiatement" de même que les autres responsables "détenus illégalement".

- "Ambassades du peuple" -

"Un usage de la force n'entraînerait pas seulement un bain de sang (...) mais pourrait aussi mener à un face-à-face prolongé qui fermerait la porte à la résolution de la crise", a averti le cercle de réflexion International Crisis group, commentant la mort de manifestants lundi.

Mardi, des ambassadeurs soudanais auprès de la France, de la Belgique et de l'Union européenne ainsi que de la Suisse ont dénoncé le coup d'Etat et proclamé leurs ambassades comme celles du "peuple et de sa révolution".

Pour manifestants et experts, la possibilité d'un retour au règne sans partage des militaires est plus réaliste que jamais.

Seul Moscou a vu dans le coup de force "le résultat logique d'une politique ratée" accompagnée d'"une ingérence étrangère d'ampleur", dans un pays où Russes, Turcs, Américains ou encore Saoudiens se disputent l'influence surtout sur les ports de la mer Rouge, stratégiques pour leurs flottes.