Human Rights Watch a constaté que parmi les personnes tuées se trouvaient des militants et des partisans, ainsi que des personnes interpelées dans la rue, ou même dans leurs maisons. Human Rights Watch a été informé de dizaines d’autres attaques et meurtres commis par les forces de sécurité. L’organisation a lancé des recherches pour confirmer ces derniers faits et poursuit ses enquêtes.
« Depuis que Joseph Kabila a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, les forces de sécurité ont tiré sur des petites foules, apparemment pour empêcher la tenue de manifestations contre le résultat de l’élection », a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch. « Ces manœuvres sanglantes contribuent à fragiliser le processus électoral et donnent l’impression que le gouvernement ne reculera devant rien pour rester au pouvoir. »
Joseph Kabila, le président sortant, a été investi à Kinshasa, capitale de la RD Congo, le 20 décembre suite à une élection qui a été fortement critiquée par les observateurs nationaux et internationaux des élections comme manquant de crédibilité et de transparence. Le 16 décembre, la Cour Suprême nommée par Joseph Kabila a rejeté la demande de l’opposition qui souhaitait l’annulation du vote pour cause d’allégations de fraude.
Les incidents liés à des exactions commises après les élections par les forces de sécurité ont été documentés par sept membres de Human Rights Watch dans le cadre d’une collaboration avec 17 activistes des droits humains congolais répartis dans tout le pays après avoir reçu une formation d’observateurs pour les élections. Human Rights Watch a interrogé 86 témoins, dont des victimes et des membres de leurs familles, et a en outre rassemblé des informations provenant d’autres sources.
Human Rights Watch affirme avoir recueilli de nombreux témoignages au sujet d’incidents au cours lesquels des membres de la Garde Républicaine attachés à la sécurité présidentielle, la police et d’autres forces de sécurité ont tiré sur des groupes de personnes dans la rue qui avaient peut-être manifesté contre le résultat des élections, se préparaient à manifester, ou étaient de simples passants. Au cours d’autres incidents, des personnes soupçonnées d’être des partisans de l’opposition ont été prises pour cibles et tuées.
Selon HRW, au moins 24 personnes ont été tuées par les forces de sécurité entre le 9 et le 14 décembre, dont 20 à Kinshasa, 2 dans le Nord-Kivu et 2 dans la province du Kasaï Occidental. Human Rights Watch a aussi documenté un incident au cours duquel un groupe de jeunes à Kinshasa a jeté des pierres sur un prêtre qui a par la suite succombé à ses blessures.
Il semblerait que la police et d’autres forces de sécurité masquent l’étendue des meurtres en enlevant rapidement les corps, déclare Human Rights Watch. Plusieurs sources ont informé Human Rights Watch que le gouvernement avait donné pour instruction aux hôpitaux et aux morgues de ne pas fournir d’informations concernant le nombre de morts, ni de détails sur les individus blessés par balles aux membres de leurs familles, aux groupes de défense des droits humains ou au personnel des Nations Unies, entre autres. Certaines familles ont retrouvé les corps de leurs êtres chers dans des morgues situées loin de Kinshasa, ce qui indiquerait que des corps sont transportés jusque dans des zones excentrées.
Human Rights Watch a établi que les forces de sécurité ont aussi bloqué par la force des tentatives lancées par des groupes d’opposition afin d’organiser des manifestations pacifiques contre les irrégularités liées aux élections et arrêté un certain nombre d’organisateurs sous des accusations fallacieuses de menace à la sécurité de l’État. La Garde Républicaine, qui n’est pas autorisée à arrêter des civils, a appréhendé des partisans de l’opposition et les a placés dans des lieux de détention illégaux dans le Camp Tshatshi, base de la Garde à Kinshasa, et au Palais de Marbre, un des palais présidentiels. Certains détenus ont souffert de mauvais traitements.
« Le fait que les forces de sécurité aient ouvert le feu sans aucun état d’âme sur des manifestants pacifiques et des passants illustre de façon brutale jusqu’où le gouvernement est capable d’aller pour réduire au silence les voix dissidentes », a expliqué Anneke Van Woudenberg. « Les Nations Unies et les partenaires internationaux de la RD Congo devraient exiger de toute urgence que le gouvernement reprenne le contrôle de ses forces de sécurité. »
La Garde Républicaine est constituée d’environ 12 000 soldats dont la principale tâche est d’assurer la sécurité du président. Au regard de la loi congolaise, la Garde Républicaine n’a pas le pouvoir d’arrêter ni de détenir des civils, ni d’assurer la sécurité lors des élections. Les forces de police de la RD Congo sont responsables de la sécurité et du maintien de l’ordre public durant les élections. Le chef de la police nationale, le Général Charles Bisengimana, peut demander l’assistance de l’armée congolaise régulière si ses propres forces ne sont plus capables d’assurer le maintien de l’ordre public, mais pas celle de la Garde Républicaine.
Le Général Bisengimana a affirmé à Human Rights Watch qu’il n’avait pas demandé de l’aide à l’armée pour maintenir l’ordre public dans Kinshasa, et qu’il ne prévoyait pas la nécessité de le faire dans un futur proche. Il n’a pas été en mesure d’expliquer à Human Rights Watch pourquoi des soldats de la Garde Républicaine se trouvaient déployés sur une telle étendue dans tout Kinshasa, y compris dans des lieux où il n’y avait aucun bâtiment présidentiel à garder. Il a ajouté que la Garde Républicaine ne dépendait pas de son autorité ni de son contrôle.
« La Garde Républicaine n’est pas autorisée à arrêter des civils congolais et à les maintenir dans des lieux de détention illégaux », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Le gouvernement devrait ordonner la libération immédiate des toutes les personnes détenues, et entreprendre une enquête impartiale afin d’établir les responsabilités en ce qui concerne ces arrestations illégales et les mauvais traitements infligés aux détenus.
Le gouvernement congolais n'a pas encore pu être joint pour une réaction à ce rapport.