Le choix de Denis Kadima, un proche du président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, pour diriger la stratégique commission électorale, malgré le veto de l'épiscopat, plante le décor d'une crise, préviennent commentateurs et responsables politiques.
L'Assemblée nationale a entériné samedi la désignation de Denis Kadima comme président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) par six des huit confessions religieuses.
En RDC, la loi charge les huit confession religieuses reconnues de désigner par consensus le président de la Céni, un choix qui doit ensuite être entériné par l'Assemblée nationale, avant la nomination officielle par le chef de l'État.
L'Église catholique, dont se revendique 40% de la population et l'Église du Christ au Congo (ECC), principale fédération protestante, se sont opposées à cette nomination de M. Kadima, soupçonné de corruption.
Expert électoral, M. Kadima est originaire de la province du Kasaï oriental, comme M. Tshisekedi, dont il est proche.
La prochaine présidentielle, à laquelle le chef de l'État a déjà exprimé son intention de se représenter, est prévue pour fin 2023.
Le camp de l'opposant Martin Fayulu a rejeté ce choix, tout comme celui de l'ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, potentiel candidat à la présidentielle et membre de la coalition de M. Tshisekedi.
Il s'agit d'un acte "inique", en l'absence de tout compromis : "Il y a fraude, il y a corruption, il y a débauchage", a déclaré aux médias Dieu-donné Bolengetenge, secrétaire général d'"Ensemble pour la République", parti de M. Katumbi.
"Germes de contestations"
L'"entérinement de Denis Kadima à la tête de la centrale électorale vient renforcer la crise du processus électoral en cours", analyse le journal Forum des As.
Avec cette confirmation par l'Assemblée nationale, "tous les signes avant-coureurs sont formels : la RD Congo pourrait bientôt entrer dans une zone de fortes turbulences", estime de son côté le quotidien Le Potentiel.
Ancien opposant, M. Tshisekedi est arrivé au pouvoir en janvier 2019, en succédant à Joseph Kabila (2001-2019) à l'issue de la présidentielle controversée de décembre 2018, lors de laquelle la Ceni avait été accusée d'avoir truqué les résultats.
"Le forcing de l'équipe Kadima à la tête de la Céni, c'est un coup de massue à la confiance entre parties prenantes à un processus électoral déjà délicat", a estimé Néhémie Mwilanya, ancien directeur de cabinet de l'ex-président Joseph Kabila.
"En plus d'une crise sécuritaire à l'Est, c'est désormais la crise politique qui s'installe à Kinshasa. Pour quelles perspectives?", s'est-il interrogé.
En juillet 2020, les Églises catholique et protestante avaient mis leur veto au choix de Ronsard Malonda, accusé d'être trop proche de l'ex-président Kabila.
Après des manifestations meurtrières et des protestations contre cette désignation, le président Tshisekedi avait rejeté ce choix, invoquant l'absence de consensus des chefs religieux dans le processus de désignation.
Dans un communiqué, le mouvement "Tournons La Page RDC" (TLP-RDC) a estimé mardi que le choix de M. Kadima "comporte en lui-même des germes de contestations en série".
Le mouvement a appelé le président Tshisekedi à "rester logique et cohérent avec lui-même en se refusant d'investir M. Denis Kadima et son équipe pour les mêmes motifs qui l'avaient poussé en juillet dernier à refuser d'investir l'équipe de M. Ronsard Malonda".
Le contrôle de la Céni est un enjeu primordial pour conquérir ou conserver le pouvoir en RDC, a souligné dans un récent rapport le Groupe d'experts sur le Congo (GEC), lié à l'Université de New York.