Cette force, créée par la Communauté des États d'Afrique de l'Est (EAC) en parallèle aux démarches diplomatiques engagées pour tenter de ramener la paix dans l'Est congolais, est maintenant quasi au complet. Arrivé en novembre à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, son contingent kényan a été rejoint début mars par des soldats burundais puis, en fin de semaine dernière, des Ougandais. Les Sud-Soudanais sont les derniers, arrivant peu à peu depuis dimanche.
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L'effectif total de cette force n'a pas été rendu public. Mais au fur et à mesure de leur arrivée dans la région, ses éléments prennent leurs quartiers dans les zones rebelles. Sans combats, en tant que force "neutre", telle que décrite par le président ougandais Yoweri Museveni. Depuis novembre, la force de l'EAC s'est déployée à Kibati, Kibumba, Rugari, Rumangabo, puis Mushaki, Sake, Kilolirwe, Kitshanga... Les Ougandais sont depuis vendredi dernier à Bunagana, carrefour commercial à la frontière entre la RDC et le Rwanda.
Les rebelles du M23 ("Mouvement du 23 mars") se sont retirés de certaines localités des territoires de Rutshuru et Masisi. Depuis samedi, selon des habitants interrogés par l'AFP, ils ont ainsi quitté Bambo, Mweso, ou encore le village de Kishishe, où ils sont accusés d'avoir massacré fin novembre plus de 170 civils, selon l'ONU.
Le M23 s'était emparé de tous ces endroits l'année dernière, étranglant peu à peu Goma, qu'il avait déjà brièvement occupée dix ans auparavant, avant d'être défait en 2013. Ce mouvement majoritairement tutsi, soutenu par le Rwanda selon des experts de l'ONU, est sorti de ses bastions de montagne et a repris les armes en novembre 2021, reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté des engagements sur la réinsertion de ses combattants.
La RDC accuse le Rwanda et ses "supplétifs" du M23 de vouloir faire main basse sur les minerais de l'est congolais. Le M23 affirme de son côté défendre une frange menacée de la population et réclame des négociations, que Kinshasa refuse, excluant de discuter avec des "terroristes".
"États déstabilisateurs"
Si le M23 s'est retiré de certains villages, il reste toutefois présent dans d'autres, y compris là où se déploie la force de l'EAC qui, comme l'ONU incapable de ramener la paix, se retrouve accusée de passivité, voire de complicité avec les rebelles. Certains Congolais y voient l'habituelle menace de "balkanisation" de l'est du pays, en proie aux violences de groupes armés hérités pour beaucoup de guerres qui ont ensanglanté la région dans les années 1990-2000.
"Qui peut encore croire aux efforts de stabilisation de l’est avec le concours de la Force #EAC composée en grande partie d'États déstabilisateurs ?", a par exemple protesté sur Twitter le célèbre médecin congolais et prix Nobel de la paix Denis Mukwege. "Il est temps de revoir la diplomatie régionale et la gouvernance sécuritaire pour sortir de l'impasse !" ajoutait-il.
Deux questions orales ont aussi été adressées par des députés, l'une au ministre des Affaires étrangères, l'autre à celui de la Défense, sur la nature de cette force régionale, en particulier la présence dans ses rangs de soldats ougandais. En juin dernier, Kampala avait été fortement soupçonné d'avoir, au mieux, fermé les yeux quand les rebelles du M23 s'étaient emparés de Bunagana. D'une manière générale, les Congolais se méfient, des Rwandais mais aussi des Ougandais, gardant en mémoire le rôle de ces deux voisins dans la déstabilisation de l'est de leur pays ces trois dernières décennies.
"Il y a des appréhensions, mais des engagements ont été pris au niveau régional", a répondu lundi soir le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, lors de son briefing hebdomadaire.
Le déploiement de la force est-africaine correspond à "la mise en oeuvre du plan" de désescalade adopté par différents chefs d'État, a-t-il également souligné. Ses contingents sont "venus à l'invitation du gouvernement congolais", "cela ne doit pas être vu comme une balkanisation", a assuré le porte-parole.