RDC

Que devient le slogan de Tshisekedi, "Le peuple d'abord"?

Le président congolais Félix Tshisekedi est candidat a sa réélection.

En arrivant au pouvoir, Félix Tshisekedi avait promis d'améliorer le quotidien des Congolais. Cinq ans après, alors qu'il brigue un second mandat, ils sont plus nombreux à envoyer leurs enfants à l'école mais toujours autant à ne pas manger à leur faim.

En janvier 2019, "Le peuple d'abord", slogan de son parti, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), était présenté comme un programme du quinquennat. "Le chef de l’État a une dette envers nous, il n'a pas tenu sa promesse", estime aujourd'hui Victor Mukala, paysan à Camp Pay, dans le Kwilu, province agricole de l'ouest de l'immense pays d'Afrique centrale.

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La République démocratique du Congo a 80 millions d'hectares de terres arables et un sous-sol très riche en minerais. Pourtant, la majorité de ses quelque 100 millions d'habitants vivent sous le seuil de pauvreté. A l'heure du bilan à l'approche des élections du 20 décembre, le pouvoir revendique au chapitre des réalisations sociales la gratuité de l'enseignement primaire sur l'ensemble du territoire et celle des accouchements, dans un premier temps à Kinshasa.

La gratuité du primaire "est une grande réalisation. Hier, des parents pauvres n'envoyaient pas leurs enfants à l'école", se félicitait il y a peu Augustin Kabuya, secrétaire général de l'UDPS, rencontré au siège du parti. Ce programme, qui a permis de remettre 2 millions d'enfants sur le chemin de l'école, est salué par tous, mais critiqué dans sa mise en œuvre.

Du travail pour les parents

"L'accès à l'école a été stimulé, mais la qualité n'a pas suivi", analyse pour l'AFP Valery Madianga, du Centre de recherche en finances publiques et développement local (CRFDL).

Des classes se sont retrouvées surchargées, avec "80, voire 100 élèves pour un enseignant", explique le chercheur. Les maîtres ont plus de travail mais subissent une baisse de leur pouvoir d'achat, en raison de la dépréciation du franc congolais qui a perdu près de 40% de sa valeur depuis 2019, ajoute-t-il.

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Certains prix de denrées de base ont doublé. La vie est dure pour beaucoup de Congolais, qui constatent avec amertume qu'à l'opposé, un petit nombre s'enrichit et que des "jeeps à 50.000 dollars" sont distribuées ici et là par le pouvoir, poursuit M. Madianga.

Madeleine Matondo, 33 ans, mère de famille de Kakoyi, dans le Kwilu, à 520 km à l'est de Kinshasa, se félicite que le primaire soit gratuit, mais voudrait que le secondaire le soit aussi. "Les 128.000 francs (environ 50 dollars) à payer au secondaire, ça reste lourd pour des parents comme moi, sans travail rémunérateur", dit la mère de sept enfants. "Soit on fait la gratuité, soit on crée des conditions pour donner du travail aux parents", dit-elle en préparant une bouillie de farine de maïs sur un feu de bois.

Ce matin d'octobre à Kakoyi, des dizaines d'adolescents en uniformes scolaires envahissent le petit marché du village. Ils viennent d'être chassés de leur établissement pour non paiement des frais de scolarité.

Manque de tout

De l'autre côté la rue, Solange Tambwe, mère de quatre enfants, ajoute que la vie "ne se résume pas à l'école". "Ici il n'y a pas d'eau potable, pas assez de nourriture, nous souffrons beaucoup", se lamente-t-elle, en montrant quatre petits poissons qui constitueront le repas du jour.

Un peu plus loin, Agnès Kutameka trie du riz dans sa gargote. "Regardez la qualité de l'eau pour la vaisselle", dit-elle en montrant une bassine remplie d'un liquide couleur café au lait. "Même l'eau à boire est sale, les enfants souffrent d'amibes, il y en a qui meurent. Demandez aux autorités pourquoi elles ne se soucient pas de notre sort !", lance la sexagénaire.

Dans la région, des initiatives locales tentent de redonner espoir aux paysans. Dans un champ du village de Kata-Luwala, femmes et hommes replantent le manioc déraciné par une pluie diluvienne. Ils sont membres de "Beto Sadisana" (Entraidons-nous, en kikongo, une des langues nationales de RDC), une association fondée par Viviane Lengelo, veuve de 63 ans. Propriétaire d'une vingtaine d'hectares de forêt, elle a aussi des champs, une porcherie et des étangs.

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Les produits récoltés sont vendus "surtout pour l'autonomisation des femmes", car "la pauvreté est plus liée à la femme", explique-t-elle en nourrissant ses porcs. Le vieillissement de la main d'œuvre l'inquiète. "Les jeunes ne s'intéressent plus à l'agriculture", ils rêvent d'aller vivre en ville, constate Mme Lengelo. Elle déplore aussi les "tracasseries administratives et policières, les multiples taxes", soucis auxquels s'ajoute le manque "de moyens, de bons outils, de centres de transformation des produits, de centre de santé, de bonnes routes..."