La petite fille s'est immobilisée de peur lorsqu'elle a vu les jihadistes arriver dans son village près de Dikwa en mars, mais sa mère l'a attrapée et a réussi à s'enfuir.
Ce n'était pas la première fois que Hadiza, cette mère de famille de 25 ans, devait fuir sa maison pour rejoindre la capitale de l'Etat du Borno, foyer de la rébellion jihadiste depuis plus de 10 ans.
Il y a plusieurs années déjà, elle était venue grossir les flots de déplacés, estimés à plus de 2 millions de personnes dans la région du lac Tchad, et plus d'un million dans la seule ville de Maiduguri.
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Mais les autorités lui avaient garanti qu'elle pouvait rentrer à Dikwa, reprendre ses cultures de haricots secs et de légumes.
La première fois, c'était Boko Haram qui les avait forcées à partir. Cette année, le 2 mars, ce sont des combattants du groupe Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) qui ont attaqué la ville-garnison. Mais pour la petite Aisha et sa mère, c'est la même chose. Les deux groupes tuent, kidnappent et violent.
"Je veux plus jamais retourner là-bas", souffle Amina, une femme d'une cinquantaine d'années, le regard fuyant.
Désengorger les camps
L'Etat du Borno, à genoux économiquement et socialement, accueille 80% des déplacés du conflit, dont l'immense majorité a très peu d'accès aux premières nécessités.
A Yawuri, un camp informel en bordure de Maiduguri où s'entassent près de 2.000 personnes, les conditions de vie sont épouvantables: il n'y a ni école, ni clinique, ni distribution alimentaire. Juste un abri, de l'eau et de la farine de mil et de la sauce-feuilles.
"Il n'y a rien à manger. On passe parfois 24 heures sans rien trouver à manger", raconte Balu Modu.
Et pourtant, malgré cette immense précarité, les conditions sont toujours meilleures que dans son village, où la faim se double de l'insécurité.
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Le gouvernement de l'Etat promet depuis des années qu'il va désengorger les camps et aider les déplacés à regagner leur foyer, à travers le programme "retour volontaire, relogement et réintégration".
Il prévoit de reloger "au moins 50% des déplacés d'ici 2022 et qu'il n'y ait plus de camps d'ici 2026", selon un document officiel consulté par l'AFP.
La ministre locale des Affaires humanitaires assure que le gouvernement offre de la nourriture et de l'argent liquide pour aider à l'installation, ou aide les personnes à trouver un logement décent à Maiduguri à hauteur de 200 euros environ.
"Nous ne renvoyons personne tant que l'armée ne nous a pas donné le feu vert et que la zone est sécurisée", affirme-t-elle.
"Envoyés à la mort"
Ce n'est toutefois pas ce qu'observent les humanitaires qui travaillent dans la région.
"Ils forcent des gens à retourner dans des villes qu'ils ne sont pas en mesure de protéger", assure l'un d'eux. "C'est de la folie, ils les envoient à la mort".
L'année dernière, "4.000 personnes ont été réinstallées à Baga dans d'immenses convois. Mais les rebelles sont toujours là-bas, donc les gens sont revenus" à Maiduguri, ou dans les quelques villes protégées, en empruntant des routes dangereuses, indique une autre source humanitaire.
Les cultures, seul moyen de subsistance dans ces régions, sont pillées, les villages mis à sac et le risque d'enlèvements, notamment des femmes, reste très élevé.
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"Des gens continuent à affluer ici, et ce ne sont pas des petites vagues de population", confie la deuxième source humanitaire. "On parle de groupes de plusieurs milliers de personnes".
Car tant qu'il y aura des violences, il y aura des déplacés, et la capitale du Borno, Maiduguri, sera sous pression. Le gouverneur, Babagana Umara Zulum, a demandé aux généraux de l'armée qui viennent de prendre leurs fonctions de mettre en place "des nouvelles stratégies offensive" pour sortir de l'enlisement.
"Tant que la rébellion ne sera pas totalement et absolument éradiquée, tous nos efforts pour améliorer le quotidien de notre population seront futiles", a-t-il déclaré.
Lundi encore, des gens continuaient à affluer vers Maiduguri après l'attaque d'un camp humanitaire à Damasak samedi soir, revendiquée par l'Iswap.