Retour avorté de Guillaume Soro en Côte d'Ivoire, violences policières contre ses partisans

L'ex Premier ministre et président de l'Assemblée Nationale de la Côte d'Ivoire Guillaume Soro, le 15 février 2019.

Le retour lundi en Côte d'Ivoire de l'ex-chef de la rébellion et candidat à la présidentielle de 2020 Guillaume Soro a avorté, au terme d'une journée confuse, marquée par des violences policières contre ses partisans à Abidjan.

L'ex-président de l'Assemblée nationale ivoirienne (2012-2019) et Premier ministre (2007-2012), dont le retour après six mois d'absence était impatiemment attendu par ses partisans pour lancer sa campagne électorale, a finalement atterri à Accra, au Ghana, selon son bras droit Alain Lobognon, dont la conférence de presse improvisée a été suivie d'une intervention musclée des forces de l'ordre.

Guillaume Soro a longtemps été le meilleur allié du président Alassane Ouattara, qu'il a fortement aidé à porter au pouvoir lors de la crise post-électorale de 2010-2011 avec l'appui des forces rebelles qu'il dirigeait.

Alors qu'il avait été le premier Premier ministre (2011-2012) de M. Ouattara, ses relations se sont progressivement dégradées avec le chef de l'Etat, qui voulait brider ses ambitions présidentielles, selon les observateurs, jusqu'à la rupture.

Agé 47 ans, ce chrétien du Nord ivoirien a annoncé sa candidature à la magistrature suprême le 18 octobre. Les analystes politiques lui prêtent une certaine popularité et un soutien des jeunes dans le pays, mais il n'existe pas de sondages politiques indépendants en Côte d'Ivoire.

Signe de nervosité du pouvoir ? A Abidjan lundi, les forces de l'ordre déployées en grand nombre avec du matériel antiémeutes ont d'abord empêché les partisans de Guillaume Soro et les médias d'accéder au terminal de l'aéroport où son jet privé devait atterrir à 13H (locales et GMT).

Quelque "800 hommes" des forces de l'ordre étaient mobilisés, dont des forces antiémeutes, chaque 500 mètres le long du trajet allant de l'aéroport au domicile de M. Soro, avec pour mission de "refouler tout individu se rendant (à l'aéroport) pour un éventuel accueil de l'ex-PAN (président de l'Assemblée nationale, ndlr), et d'"empêcher tout attroupement ou regroupement" sur le trajet, selon une note de la préfecture de police d'Abidjan transmise à l'AFP.

La confusion a régné de 13H à 15H sur la destination de l'avion de Guillaume Soro.

- Lacrymos et forces spéciales -

Selon son parti, Générations et Peuples solidaires (GPS), M. Soro a été "empêché" d'atterrir à Abidjan. Selon une source proche de la présidence ivoirienne, il a choisi lui-même de se dérouter sur Accra, pour éviter une "arrestation à l'arrivée" à Abidjan.

Guillaume Soro a été "empêché de rentrer dans son pays", où il devait "prendre sa place dans le processus électoral", a déclaré le député Lobognon. "Ni M. Soro ni ses proches ne sont informés de l'existence d'un mandat d'arrêt", a-t-il affirmé.

Le siège du parti GPS, situé dans une villa de la commune chic de Cocody, à côté de l'ambassade américaine, a été cerné par les forces de l'ordre.

Les militants de Guillaume Soro sont sortis pour tenter de repousser les policiers et les gendarmes, qui ont riposté en tirant des gaz lacrymogènes.

Alors que les militants s'étaient repliés à l'intérieur de la résidence, des hommes armés, cagoulés, certains en civil, d'autres en treillis, vraisemblablement des forces spéciales, ont forcé les portes du bâtiment et, secondés par des policiers et des gendarmes entrés à leur suite, ont contraint tous les occupants à en sortir, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des hommes des forces de l'ordre ont saisi les appareils de plusieurs photographes ainsi que des téléphones portables de journalistes. Ils ont par la suite chassé tous les journalistes et les militants GPS de la zone.

Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3.000 morts, la présidentielle d'octobre 2020 s'annonce tendue en Côte d'Ivoire. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.

En raison de la visite du président français Emmanuel Macron en Côte d'Ivoire ce week-end, les autorités ivoiriennes avaient interdit un meeting de l'opposition prévu samedi et repoussé l'arrivée de M. Soro de dimanche à lundi.