Retour triomphal du premier lauréat africain du prix Pritzker d’architecture

Diebedo Francis Kéré, un architecte qui a remporté le prix Pritzker, célèbre sort de l'aéroport dans une voiture traversant dans les rues de Tenkodogo, au Burkina Faso le 4 juin 2022. (Photo Reuters/Anne Mimault)

L'architecte burkinabè de renommée mondiale, Diebedo Francis Kéré, a été accueilli en héros à son retour dans sa ville natale au Burkina Faso ce week-end. C’est son premier voyage depuis qu'il a reçu le prix le plus prestigieux d’architecture, Pritzker 2022.

Depuis la voiture le transportant hors de l’aéroport, Diebedo Francis Kere, le premier architecte africain à remporter le prix Pritzker, brandit sa médaille d'or sous les acclamations des foules le long de la route alors qu'il se dirigeait vers Gando, sa ville natale, dans le sud-est du Burkina Faso.

Les habitants de Gando ont réservé de la musique et de la danse traditionnelles pour rendre un hommage mérité à l’enfant du terroir qui les honore avec son prestigieux prix.

"J'ai un sentiment de grande gratitude et de satisfaction aussi, de voir que tous les efforts que nous avons produits ensemble, le travail que nous avons fait ensemble, sont reconnus et que les gens en sont fiers et se rendent compte que nous avons fait du bon travail”, a déclaré Diebedo Francis Kéré, ému.

Francis Kéré, un architecte, assiste à une cérémonie organisée par les chefs traditionnels dans son village natal Gando, au Burkina Faso le 4 juin 2022, pour l'honorer, après qu'il s remporté le prix Pritzker. (Photo Reuters/Anne Mimault)

Aucune école dans son village natal

Pourtant son village natal, Gando, n'avait pas d'école quand l’architecte y grandissait. Fils du chef du village, il est parti très jeune pour aller à l'école dans la ville voisine de Tenkodogo et a été le premier de sa communauté à recevoir une instruction.

Il revient maintenant pour visiter deux écoles qu'il a conçues et qui ont été réalisées avec des matériaux et de la main-d'œuvre locaux, en mettant l'accent sur la lutte contre la chaleur qui paralyse la région.

"Quand j'arrive dans un endroit, j'essaie de comprendre quel matériau est le plus disponible et quelles personnes utilisent ce matériau, puis j'essaie de l'utiliser différemment en changeant ses attributs, en créant, on pourrait dire, une valeur ajoutée", explique-t-il.

"Je construis des murs massifs, on parle beaucoup de masse thermique, mais ce qui se passe, c'est que je construis un plafond au-dessus, et je crée des ouvertures. Ensuite, je construis un grand toit comme une cime d'arbre et ce toit protège le bâtiment contre les intempéries, principalement l'eau de pluie qui pourrait détruire les murs de sol fragiles, il protège également les murs contre la chaleur”, poursuit-il, méthodique.

"Nous pouvons construire avec de la terre"

Le premier bâtiment que M. Kéré a conçu était l'école primaire de Gando. Plus tard, il a ajouté des logements pour les enseignants et une bibliothèque, et le nombre d'enfants est passé à quelque 700 élèves.

Mais au début, se souvient-il, les responsables du village n'étaient pas convaincus par ses techniques.

Donc la terre pour eux (les villageois) était synonyme de pauvreté, synonyme de matériel pour les pauvres, donc il ne fallait pas l'utiliser. J'ai donc dû expliquer, j'ai dû faire des tests et trouver des exemples pour convaincre que nous pouvions construire avec de la terre et créer quelque chose de nouveau, de moderne et de confortable”, a-t-il déclaré.

Diebedo Francis Kéré a ensuite conçu des écoles, des établissements de santé et des espaces publics à travers l'Afrique, l'Europe et les États-Unis, qui ont contribué à l’obtention de son prix.

"Le prix que j'ai gagné n'est pas un défi, c'est plutôt un coup de pouce, une reconnaissance de ce que j'ai fait. On dit que je suis le premier Africain à remporter ce prix, donc je me sens responsable et je regarde vers l’avenir”, lance Diebedo Francis Kéré.

Le lauréat du prestigieux Pritzker ne veut pas dormir sur ses lauriers. Il reconnait qu’il lui reste encore plusieurs défis à affronter.

“Les enjeux restent le climat, les matériaux utilisés, les conflits autour des matériaux restants ou des ressources restantes qui deviennent violents. Les défis viennent aussi de la population croissante, des villes qui grandissent, comment trouver des solutions pour créer des infrastructures”, confie-t-il.

Agé de 57 ans, Diebedo Francis Kéré partage son temps entre le Burkina Faso et l'Allemagne, où il a étudié et s’est établi.