Pour sauver son économie, le Soudan, ex-allié de l'Iran, se rapproche de l'Arabie saoudite

Le président soudanais Omar el-Béchir (archives)

Longtemps allié de l'Iran, le Soudan se tourne vers l'Arabie saoudite pour des raisons économiques : le pays, en quête d'investissements, a perdu trois quarts de ses réserves pétrolières depuis l'indépendance du Soudan du Sud.

Longtemps l'un des seuls alliés sunnites de l'Iran chiite, le Soudan a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran pour se rapprocher de l'Arabie saoudite qu'il courtise dans l'espoir de sauver son économie vacillante, selon des experts.

Ce pays pauvre de l'est de l'Afrique a suivi Riyad début janvier en rompant ses liens diplomatiques avec l'Iran, autrefois un proche partenaire du régime du président soudanais Omar el-Béchir.

Khartoum a affirmé répondre ainsi aux attaques contre des missions diplomatiques saoudiennes en Iran après l'exécution par Riyad d'un important chef religieux chiite critique du régime.

Raisons pragmatiques

Mais la décision de rompre avec l'allié iranien s'explique par des "raisons pragmatiques", explique à l'AFP Al-Tayeb Zein al-Abidine, professeur de sciences politiques à l'université de Khartoum. Selon lui, le Soudan a besoin des investissement saoudiens pour relancer son économie vacillante.

Cette rupture diplomatique succède à l'engagement surprise du Soudan en mars 2015 aux côtés de la coalition menée par l'Arabie saoudite pour combattre les rebelles chiites houthis au Yémen.

"Le gouvernement a réalisé qu'il était très isolé, même au sein du monde arabe, et a décidé de changer de camp", explique M. Abidine.

Le Soudan est soumis depuis des années à des sanctions internationales en raisons d'atteintes aux droits de l'Homme et de son soutien à certains islamistes extrémistes, dont le défunt leader d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden.

Le président Béchir, au pouvoir depuis 26 ans, fait lui-même l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des accusations de génocide dans la région du Darfour (ouest).

Avec l'Iran, une "relation de commodité"

La relation avec l'Iran avait commencé en 1991, quand le Soudan, qui soutenait l'invasion du Koweït par l'Irak, avait rompu ses liens avec les pays du Golfe.

Téhéran fournissait alors des munitions à Khartoum, engagé dans plusieurs guerres internes, tandis que des navires de guerre iraniens faisaient escale à Port-Soudan, sur la mer Rouge.

Mais il s'agissait d'une "relation de commodité", dépourvue "d'engagement idéologique fort", estime l'analyste indépendant Magdi El Gizouli.

La relation a pris un coup en septembre 2014 lorsque des responsables soudanais ont ordonné la fermeture d'un centre culturel iranien à Khartoum, accusant ses employés de prêcher un islam chiite dans ce pays à majorité sunnite.

"Ils ont fermé le centre pour envoyer un signal positif à l'Arabie saoudite", alors que l'économie vacillait, a indiqué à l'AFP une source diplomatique à Khartoum.

Le pétrole en jeu

Outre les sanctions, l'indépendance du Sud Soudan en 2011 a privé Khartoum de trois quarts des réserves pétrolières.

"Le principal moteur des relations étrangères est la situation de la 'banque du Soudan'", estime M. Gizouli, en référence à l'économie du pays.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères soudanais Ali al-Sadiq a nié que les "très bonnes relations" du Soudan avec Riyad soient basées sur des motifs financiers, affirmant qu'il "y a toujours eu des investissements".

Mais depuis le rapprochement avec Riyad, des responsables ont promis davantage d'investissements saoudiens au Soudan.

Selon des chiffres officiels, la valeur de ces investissements s'élève actuellement à 11 milliards de dollars (10 milliards d'euros).

Nouveaux projets financiers

Après que le Soudan a rompu ses relations avec l'Iran, le chef adjoint de sa mission à Riyad a rencontré le directeur de la chambre de Commerce saoudienne pour discuter de nouveaux projets économiques et financiers.

Ce revirement diplomatique pourrait aussi être populaire auprès des familles de centaines de milliers de Soudanais travaillant dans le Golfe et qui dépendent des transferts d'argent de leurs proches.

En mars 2014, les banques saoudiennes avaient interrompu leurs liens avec le Soudan, compliquant les transferts d'argent. Mais après l'engagement du Soudan au Yémen, des responsables ont affirmé que ces mesures pourraient être levées.

Malgré ce rapprochement avec Riyad, l'économie soudanaise bat toujours de l'aile. Et l'Arabie saoudite fait elle-même face à des difficultés en raison de la chute des cours du pétrole. Khartoum espère toutefois que les Saoudiens l'aideront à convaincre les États-Unis de lever les sanctions.

"Chaque pays mène sa politique étrangère en fonction de ses intérêts", confie la source diplomatique à Khartoum. Et d'ajouter : "L'intérêt du Soudan est aujourd'hui économique.".

Avec AFP