Déjà condamné à 23 ans de prison pour viol et agressions sexuelles en 2020 à New York, et de nouveau jugé à Los Angeles depuis lundi, l'ex-puissant producteur de cinéma avait l'habitude de fréquenter les salles de projection du Festival du film de New York, qui clôture sa 60e édition vendredi.
Mais sur l'une des scènes du Lincoln Center, jeudi soir, c'est l'actrice et militante féministe Ashley Judd, l'une des premières à avoir dénoncé le harcèlement sexuel que lui avait fait subir Harvey Weinstein, qui a été ovationnée par le public.
Dans le film de Maria Schrader, Ashley Judd joue son propre rôle, celui d'une actrice qui a refusé les avances sexuelles du producteur et en a payé le prix durant sa carrière, avant de se résoudre des années plus tard à parler à visage découvert.
"C'est tellement important d'être dans notre vérité et d'avoir un droit moral sur notre propre histoire que je n'ai pas eu de mal à le faire", a-t-elle lancé à propos de son rôle, avant de rendre hommage à ses "sœurs", d'autres victimes de Weinstein qui étaient également présentes à la projection.
Lire aussi : Harvey Weinstein condamné à 23 ans de prison pour viol et agression sexuelleDuo
Le 5 octobre 2017, quand l'article de Jodi Kantor et Megan Twohey est publié par le New York Times, après des mois de travail, il va provoquer immédiatement la chute de l'intouchable producteur hollywoodien et la déferlante #MeToo de libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles ou le sexisme, bien au-delà du cinéma.
Mais "She Said", adapté du livre éponyme des deux journalistes couronnées d'un prix Pulitzer, ne se préoccupe guère des répercussions de leur enquête. A la manière des "Hommes du président" (1976) sur le scandale du Watergate, ou de "Spotlight", qui avait mis les projecteurs sur l'enquête du Boston Globe sur la pédocriminalité dans l'église catholique, le film est avant tout un hommage au travail patient et tenace des journalistes d'investigation.
Près d'un demi-siècle après le duo du Washington Post incarné par Robert Redford et Dustin Hoffman ("Les Hommes du président"), ce sont deux femmes, journalistes aguerries et jeunes mères, qui font trembler les puissants, avec l'aide d'une éditrice dans l'ombre mais cruciale, Rebecca Corbett et du soutien indéfectible de leur rédacteur en chef, Dean Baquet.
Lire aussi : Harvey Weinstein reconnu coupable de viol et d'agression sexuelle"L'une des raisons pour lesquelles nous sommes si honorées par ce film, c'est qu'il incarne vraiment nos convictions en matière de journalisme", a expliqué Jodi Kantor après la projection. "Nous avons été longtemps journalistes, mais l'affaire Weinstein souligne en quelque sorte tout ce en quoi nous croyons et met des points d'exclamation dessus", a-t-elle ajouté.
Le duo est incarné par Zoe Kazan, qui joue Jodi Kantor, et Carrey Mulligan pour Megan Twohey.
Le film fait ressortir leur complémentarité: à la première le travail de persuasion et d'empathie pour faire témoigner les victimes, actrices ou employées de Miramax, à l'autre les duels face aux lieutenants de Weinstein.
Avec une mise en scène et une écriture sobre, et la musique grave de Nicholas Brittell, "She Said" monte en intensité jusqu'au face-à-face final entre le New York Times et Harvey Weinstein et ses avocats, au moment de la publication de l'article.
Le film distribué par Universal Pictures, qui compte Brad Pitt parmi ses producteurs, sortira en salles le 18 novembre aux Etats-Unis puis dans les jours qui suivent en Europe.