La veille, l'Union africaine (UA) avait suspendu le Soudan "jusqu'à l'établissement effectif d'une autorité civile de transition".
"L'armée, le peuple et les forces politiques doivent faire preuve de courage et de responsabilité en prenant des actions rapides vers une période de transition démocratique et consensuelle dans le pays", a déclaré M. Ahmed dans un communiqué, à l'issue de sa visite.
Arrivé dans la matinée, le Premier ministre éthiopien a rencontré le chef du Conseil militaire au pouvoir, Abdel Fattah al-Burhane, et plusieurs chefs de la contestation.
"L'armée doit protéger la sécurité du pays et de son peuple et les forces politiques doivent réfléchir à l'avenir du pays", a-t-il ajouté. L'Ethiopie avait déjà joué un rôle dans les pourparlers de paix avec le Soudan du Sud, dont l'accord de paix a été signé en 2018 à Addis Abeba.
Lundi, les forces de sécurité ont brutalement dispersé le campement occupé depuis le 6 avril par des milliers de manifestants qui, devant le QG de l'armée à Khartoum, réclamaient l'instauration d'un pouvoir civil. Les protestataires ont dénoncé "un massacre" et dénombré 113 morts, plus de 500 blessées. Un bilan contesté par le gouvernement qui a dressé un bilan de 61 morts.
Lire aussi : Crise au Soudan: le Premier ministre éthiopien à Khartoum en médiateurSous la pression d'une contestation inédite déclenchée en décembre 2018, Omar el-Béchir a été destitué le 11 avril par l'armée et remplacé au pouvoir par un Conseil militaire de transition.
Les négociations entre les militaires et les leaders de la contestation étaient suspendues depuis le 20 mai, faute d'accord sur la présidence et la composition du Conseil souverain censé gérer la période de transition pendant trois ans.
Conditions
"Le Conseil (militaire) est ouvert aux négociations pour parvenir à une solution à n'importe quel moment", a déclaré vendredi devant la presse un responsable du ministère des Affaires étrangères, Hassan Ahmed.
Le chef de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, a lui déclaré accepter "la médiation du Premier ministre éthiopien", mais a opposé certaines conditions avant un retour aux négociations.
Omar al-Digeir réclame notamment la "reconnaissance" des violences pendant l'évacuation du sit-in, une "commission d'enquête internationale" et la "libération des personnes arrêtées". Il demande aussi le respect des "libertés publiques", la fin du "blocage d'internet" et le "retrait" de la présence militaire à Khartoum.
Les alentours du sit-in, lieu emblématique de la contestation, sont en effet sous forte surveillance armée. Les passages sont autorisés mais rares. Divers objets et les bâches des tentes dressées par les manifestants jonchent les lieux. De la cendre recouvre le trottoir.
Comme depuis le début de la semaine, les rues de Khartoum étaient presque désertes vendredi. Certains habitants ont décrit une situation de "terreur" avec la forte présence de paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF).
Sur une grande avenue, en présence de plusieurs hommes des RSF juchés sur des pick-up, une pelleteuse démantelait les barricades érigées avec des briques par les manifestants, en signe de protestation.
"Semer la terreur"
Pour Marc Lavergne, spécialiste du Soudan au Centre national de recherche scientifique (CNRS) français, la répression des derniers jours vise à "briser psychiquement la population de Khartoum" en s'attaquant à son "élite", et de "semer la terreur".
Selon les chefs de la contestation, les RSF sont à l'origine de ces violences.
L'Union européenne (UE), qui a soutenu l'initiative de l'UA de suspendre le Soudan, avait également appelé à la reprise des négociations après l'évacuation du sit-in, réclamant "la cessation immédiate de la violence" et une "enquête crédible sur les événements criminels".
Les Etats-Unis, ont aussi salué "le message fort" de l'UA "aux forces de sécurité du Soudan pour le meurtre de civils innocents et pour avoir exigé le transfert du pouvoir à un gouvernement dirigé par des civils".
Des Etats du Golfe, des soutiens des militaires au pouvoir, ont eux aussi appelé à une reprise du dialogue.