La fistule obstétricale au Bénin reste encore un sujet difficile à aborder. Nawarath, 30 ans, mère de 4 enfants, à été bannie de sa communauté à cause de sa maladie.
"Tout a commencé après des complications liées à ma grossesse. Pendant trois jours, j'ai saigné sans pouvoir me rendre à l'hôpital, faute de moyens. Suite à cela, j'ai commencé à ressentir des douleurs au niveau de la colonne et à perdre le contrôle total de mon urine. C'était vraiment pénible, très difficile à vivre", témoigne-t-elle.
De nombreuses femmes victimes de fistules obstétricales son hospitalisées au centre de santé de Sèmèrè, à environ 500 kilomètres de Cotonou, comme Adidjath, 47 ans, guérie depuis 5 ans, mais qui refuse de réintégrer la communauté qui l'a rejetée.
"Pendant mes 12 ans de maladie, j'ai terriblement maigri. Je n'arrivais pas à manger régulièrement. À peine je mangeais que les selles risquaient de s'échapper. J'étais en permanence en couche. Je ne pouvais pas me présenter dans les grandes assemblées, de peur de sentir mauvais et de révéler au grand jour ma maladie. C'est arrivé au point où j'ai envisagé de me suicider", avoue Adidjath.
Il n’y a pas de chiffres fiables sur le nombre de femmes béninoises atteintes de fistule obstétricale, mais elles sont nombreuses et Ramou en fait partie.
"Deux grossesses, deux enfants mort-nés. Le troisième que je croyais pouvoir garder dans mes bras s'est soldé par la mort aussi et par une incontinence urinaire. Lorsque le travail a commencé, il m'a fallu attendre deux jours le retour de mon mari pour me conduire à l'hôpital. On a fui de l'hôpital, mon mari ne pouvant pas payer les frais médicaux. À cause de la maladie, ils m'ont construit une case à l'écart. Personne ne vient me voir ici. Même pas mon mari. Si je vais parler de ma maladie dans le village, en plus de ma famille, je dois supporter le rejet de ma communauté", déplore Ramou.
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Le docteur Gisèle Badjito estime que le coût exorbitant des interventions chirurgicales pousse beaucoup de femmes à ne pas se faire connaître. Une réalité qui s’ajoute à la stigmatisation.
"Ce n'est pas une maladie qui est déclarée. La prise en charge de cette fistule obstétricale est très difficile. Et une seule opération ne permet pas d’en venir à bout. Il faut trois à quatre opérations. Ce qui fait que les femmes sont réticentes à se dévoiler. Aussi, les époux sont les premiers à faire preuve de réticence", regrette Mme Badjito.
Tanguieta, ville située au nord du Benin, abrite un campement tenu par les religieux et qui accueille les femmes victimes de fistule obstétricale. Sœur Thérèse kélindibo a expliqué à VOA Afrique les conditions ayant poussé à la création du campement: "les malades n'arrivent pas à se déplacer pour venir au centre, surtout si ce sont des interventions chirurgicales. Cela nécessite que ces malades soient près de l'hôpital. Donc ceux qui viennent, n'ayant pas de grands moyens, sont obligés de loger sous des manguiers."
Plusieurs facteurs cliniques favorisent la fistule obstétricale, et selon docteur Hounkponou, certaines causes méritent une sensibilisation.
"Il faut que le bassin de la femme soit mature. Mais si on envoie une petite fille de 15 ans en mariage précoce, au cours de l'accouchement, il y aura des problèmes. En dehors de ça, il y a les pratiques traditionnelles. Dans les zones reculées, rares sont les femmes qui sont autorisées, même si elles ont leurs propres moyens, de se rendre à l'hôpital sans l'autorisation de leur mari. Et si on dit que c'est à la maison que l'accouchement sera fait, il faut aussi l'accès aux soins de qualité", constate le docteur.
L'urgence aujourd'hui reste la sensibilisation, mais aussi la promptitude du gouvernement à prendre au serieux ce drame social, qui peut être inscrit au rang des stigmatisations dont sont victimes les femmes.