La promulgation est attendue de façon imminente. Aucune information officielle n'a été fournie quant au moment de la publication, qui entraînerait l'entrée en vigueur. Depuis son adoption la semaine passée, Bassirou Diomaye Faye, candidat antisystème à la présidentielle, et son chef Ousmane Sonko, également détenu, sont présentés comme les principaux bénéficiaires potentiels de la loi.
Lire aussi : Au Sénégal, Anta Babacar Ngom, candidate dans le rush d'une campagne expressL'incertitude demeure quant au fait qu'ils entreraient dans le champ d'application de la loi. Mais les informations non confirmées abondent sur une libération qui pourrait influer fortement sur la dynamique de la campagne. M. Faye est empêché de défendre sa cause en personne auprès des électeurs depuis l'ouverture de la campagne le 9 mars, une situation sans précédent. La capacité d'entraînement démontrée dans le passé par M. Sonko et sa popularité auprès des jeunes injecteraient un nouveau réactif dans la campagne.
Le président Sall a demandé mercredi au gouvernement "de procéder sans délai à l'application de la loi portant amnistie dès sa promulgation", dit un communiqué du conseil des ministres publié dans la soirée.
M. Sonko, acteur principal d'un bras de fer de deux ans avec le pouvoir et la justice, est emprisonné depuis juillet 2023. Candidat déclaré à la présidentielle de 2024, il en a été disqualifié par le Conseil constitutionnel en janvier 2024. Son camp a désigné avec son assentiment son second, M. Faye, pourtant détenu depuis avril 2023, pour le remplacer à l'élection.
La mise en cause de M. Sonko par la justice, conjuguée aux tensions économiques et sociales et au flou longtemps maintenu par le président Sall sur un troisième mandat, a donné lieu entre 2021 et 2023 à différents épisodes d'émeutes, de pillages et de saccages.
Eligibilité, encore
Le président Sall a renoncé à se représenter. Mais le report de dernière minute de la présidentielle initialement prévue le 25 février a causé de nouveaux heurts. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées au cours de troubles qui ont fortement ébranlé un pays considéré comme l'un des plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les coups de force. M. Sonko a toujours crié à la machination pour l'écarter de la présidentielle. Son camp et le pouvoir se rejettent mutuellement la faute de ces violences.
Au prix d'une nouvelle épreuve de force, la présidentielle a finalement été fixée au 24 mars. Le président Sall a initié l'amnistie comme un acte d'apaisement. Elle vise tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 et "se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques".
M. Sonko, héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites pour les uns, agitateur incendiaire pour les autres, a fait l'objet en 2023 de deux condamnations: une à de la prison avec sursis pour diffamation contre un ministre, l'autre à deux ans de prison ferme pour détournement de mineure. Il a finalement été arrêté fin juillet 2023 pour d'autres causes, et inculpé pour appel à l'insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l'Etat. Son parti a été dissous.
M. Faye, quant à lui, a été inculpé d'outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d'un message critique contre la justice dans le dossier Sonko. Contrairement à M. Sonko, il n'a pas été jugé.
La question de l'éligibilité de M. Sonko a toujours été un enjeu majeur. Elle reste sujette à controverse. Elle doit revenir jeudi devant la Cour suprême. Celle-ci est censée examiner un recours de l'Etat contre une ordonnance prise le 14 décembre par un tribunal qui ordonnait la réintégration de M. Sonko sur les listes électorales. Deux sources proches du dossier ont cependant indiqué que l'Etat comptait se désister de son recours.