La police tanzanie arrête des leaders de l'opposition

La police a déployé dès samedi des forces anti-émeutes, avec des canons à eau, à travers Dar es Salaam, dissuadant tout rassemblement d'ampleur lundi.

La police tanzanienne a arrêté les deux dirigeants du principal parti d'opposition lundi, jour où une manifestation contre les disparitions de militants était prévue malgré une interdiction de la police.

Chadema a lancé son appel à descendre lundi dans les rues de la capitale économique Dar es Salaam après le meurtre d'un de ses dirigeants, Ali Mohamed Kibao, enlevé par des hommes armés et retrouvé mort le 7 septembre.

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Le chef du parti Freeman Mbowe a été arrêté alors qu'il s'adressait à des journalistes dans le quartier de Magomeni, l'un des points de départ prévus pour la manifestation, selon une vidéo postée par Chadema sur les réseaux sociaux. "Manifester est notre droit constitutionnel mais nous sommes surpris par l'ampleur de la force utilisée par la police pour menacer les gens et supprimer notre liberté", déclare-t-il sur ces images.

La police a déployé dès samedi des forces anti-émeutes, avec des canons à eau, à travers Dar es Salaam, dissuadant tout rassemblement d'ampleur lundi. "Voici le prix de la démocratie dans notre pays", a-t-il ensuite lancé alors que des policiers l'emmenaient. La police avait bloqué les accès à son domicile depuis dimanche soir "mais je ne m'y trouvais pas", avait-il indiqué le leader aux journalistes.

Un peu plus tôt, Chadema avait annoncé l'arrestation de son vice-président Tundu Lissu, dont la maison située dans la banlieue de Dar es Salaam avait également été "encerclée" par la police.

"Manifestation pacifique"

Le parti d'opposition dénonce une répression croissante à son égard à quelques mois des élections locales de fin novembre, qui seront suivies l'an prochain d'élections présidentielle et législatives. Il accuse la présidente Samia Suluhu Hassan de revenir aux pratiques autoritaires de son prédécesseur John Magufuli, après avoir donné des signes d'ouverture démocratique à son arrivée au pouvoir en mars 2021.

Début 2023, les autorités avaient notamment annoncé la levée de l'interdiction qui frappait les rassemblements politiques de l'opposition depuis 2016. Tundu Lissu, une figure politique en Tanzanie, était rentré dans les jours suivants après plus de cinq ans d'exil en Belgique.

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Dimanche, réitérant l'appel à manifester, Freeman Mbowe a affirmé qu'il s'agissait d'une action "pacifique et de deuil". "Nous faisons cela pour faire de notre pays un endroit où vivre en paix", a-t-il déclaré.

Le commandant de la police Jumanne Muliro a, lui, rappelé ce weekend que "depuis que les manifestations ont été annoncées, la police a publiquement déclaré que les manifestations étaient interdites". "Si Chadema a sa propre position, c'est son affaire", a-t-il ajouté.

"Bon travail"

En août, un précédent rassemblement, déjà interdit par la police mais maintenu par Chadema, avait vu 520 dirigeants et sympathisants du parti, dont Freeman Mbowe et Tundu Lissu, arrêtés à travers le pays, puis libérés quelques jours plus tard. Depuis, plusieurs ONG et pays occidentaux (Etats-Unis, UE, Grande-Bretagne, Norvège, Suisse...) ont exprimé leur inquiétude sur le climat politique actuel dans ce pays d'Afrique de l'Est.

Après le meurtre de M. Kibao, l'ambassade américaine en Tanzanie a notamment demandé "une enquête indépendante, transparente et rapide", estimant que "les meurtres et disparitions, ainsi que les détentions, passages à tabac et autres tentatives du mois dernier visant à priver les citoyens de leurs droits civiques avant les élections, ne devraient pas avoir leur place dans une démocratie".

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"Nous n'avons pas à recevoir des directives sur ce que nous devons faire dans notre propre pays", a rétorqué la présidente Samia Suluhu Hassan mardi dernier: "Nous avons une constitution, des lois, des directives, des coutumes et des traditions, tout cela nous guide sur ce que nous devons faire". "Après le bon travail des réformes, nous ne tolérerons aucun acte qui provoquerait des troubles dans notre pays", a-t-elle lancé.

Selon un collectif d'avocats, la Tanganyika Law Society, 83 personnes ont été enlevées ou ont disparu entre 2016 et 2024.