Pour couper court aux rumeurs, alors que certains voix dans l'opposition ont dénoncé un "montage" du pouvoir, les autorités ont fait diffuser jeudi soir à la télévision publique nationale les images enregistrées par les caméras de surveillance à l'entrée du palais présidentiel, où l'on voit plus d'une dizaine d'hommes déferler, déborder facilement les quelques gardes de faction et tabasser violemment deux d'entre eux.
Lire aussi : Retour au calme après l"attaque" sanglante à la présidence tchadienneLe calme est revenu dès le début de la matinée jeudi dans la capitale tchadienne au lendemain de cet assaut aux motifs encore flous où 18 assaillants et deux militaires qui gardaient le palais ont été tués, selon le dernier bilan des autorités. Les six autres assaillants ont eux été blessés.
"Les assaillants de cette vaine tentative visaient à me vitrifier mais ils ont été vitrifiés par la vaillance, la vigilance et le courage de la Garde présidentielle", a réagi dans un message publié sur sa page Facebook le président Mahamat Idriss Déby Itno, qui se trouvait au palais mercredi au moment de l'attaque selon le gouvernement.
M. Déby a adressé ses condoléances aux familles des victimes avant de demander à "la justice d'établir les faits, situer les responsabilités et appliquer toute la rigueur de la loi", sans donner aucune indication sur les motifs ou les commanditaire de cette assaut mené par des "individus malintentionnés".
Arrivés devant le palais dans un camion à remorque, les assaillants, en civil, ont "simulé une panne de leur véhicule" avant d'"attaquer les gardes en faction devant le portail de la présidence de la République", a détaillé dans la journée Oumar Kedelaye, le procureur de la République de N'Djamena. "Les assaillants ont tué deux militaires et grièvement blessés cinq autres éléments et ont tenté de s'introduire dans l'enceinte" du palais, avant d'être rapidement tués ou maîtrisés, a-t-il ajouté.
"Ces actes constituent au regard de la loi pénale, des crimes d'assassinat, des coups et blessures volontaires, de tentative d'atteinte à l'ordre constitutionnel, d'atteinte aux institutions de l'Etat, à la sûreté de l'Etat, de complot contre l'Etat et de participation à un mouvement insurrectionnel", a poursuivi le magistrat, en précisant que des enquêtes sont en cours.
"Pas terroriste"
Selon des témoins qui se trouvaient près de la présidence mercredi soir, les tirs ont duré près d'une heure, jetant un froid dans le centre de la capitale de ce pays pauvre d'Afrique centrale dirigé par une junte militaire et à l'histoire jalonnée de coups d'Etat ou tentatives.
Le porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah, a décrit les 24 assaillants comme "un ramassis de pieds nickelés" drogués et alcoolisés venus d'un quartier pauvre du sud de la ville, et munis d'armes, de coupe-coupe (machettes, NDLR) et de couteaux. Cette "tentative de déstabilisation" n'est "probablement pas terroriste", a-t-il ajouté.
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux et présentées comme filmées par les militaires à l'entrée de la présidence montraient des forces de sécurité tchadiennes circulant entre de nombreux cadavres ensanglantés étendus sur un sol jonché de taches ou mares de sang. D'autres sont vivants et assis au sol, ligotés. Tous sont apparemment de jeunes hommes en habits civils, parfois en guenilles.
Mais certaines voix dans l'opposition ont émis jeudi des doutes sur le récit officiel. Max Kemkoye, porte-parole du GCAP, un groupe de partis d'opposition, évoquait "un synopsis malheureux" et "un montage" orchestré par le pouvoir. "Une armée aguerrie qui panique devant des travailleurs qui rentraient chez eux ?" s'est ainsi interrogé sur Facebook Abdelaziz Koulamallah, frère du porte-parole du gouvernement mais membre de l'opposition, tendance modérée.
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Quelques heures avant les tirs, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, était en visite à N'Djamena et au palais présidentiel où il a rencontré M. Déby. Il avait déjà quitté le pays au moment des tirs, selon le gouvernement tchadien, pour poursuivre sa tournée africaine au Nigeria. Le Tchad a achevé en mai dernier trois années de transition avec l'élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021.
Le gouvernement a annoncé par surprise fin novembre qu'il mettait fin à l'accord militaire entre Paris et N'Djamena. Comme d'autres anciennes colonies françaises qui ont demandé ces dernières années à Paris de retirer ses soldats de leur territoire (Mali, Burkina Faso, Niger), le Tchad s'est notamment rapproché de la Russie. Moscou a "fermement condamné" jeudi "l'incursion terroriste dirigée contre les dirigeants légitimes de la République du Tchad".