Les Rwandais ont commencé à voter vendredi pour le référendum qui devrait sans surprise ratifier une Constitution révisée, dont le changement majeur est d'autoriser le président Paul Kagame à briguer un nouveau mandat et à potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.
De longues files d'électeurs s'étiraient devant les bureaux dès l'ouverture à 7 h (7 h GMT). Quelque 6,4 millions de Rwandais étaient appelés à voter d'ici la clôture du scrutin à 15 h.
Les Rwandais doivent répondre par oui ou non à la question : "Êtes-vous d'accord avec la Constitution de la République du Rwanda telle que révisée pendant l'année 2015 ?"
Divers articles ont été modifiés en novembre par le Parlement. Mais les deux changements cruciaux concernent les nouveaux articles 101 et 172 qui autorisent potentiellement M. Kagame, 58 ans, à se maintenir au pouvoir pendant 17 ans supplémentaires.
Le "oui" devrait l'emporter sans surprise
Il fait peu de doutes que le oui devrait l'emporter largement. La révision est présentée comme une initiative populaire par les autorités, 3,7 millions de Rwandais ayant demandé par pétition un maintien au pouvoir de M. Kagame après l'expiration en 2017 de son mandat, le dernier que lui permet l'actuelle Constitution.
"Ce qui se passe est le choix du peuple", a déclaré M. Kagame à la presse après avoir voté à Kigali, la capitale. "Je n'ai rien réclamé. Allez demander aux Rwandais pourquoi ils veulent de moi", a ajouté le président, refusant de dire s'il se représenterait en 2017. "Vous verrez ça le moment venu".
Cette révision est soutenue par l'ensemble des partis politiques homologués, à l'exception du petit Parti démocratique vert qui a renoncé à faire campagne pour le non, estimant trop court le délai de 10 jours entre l'annonce du référendum et le vote.
"Il n'y a pas de secret, je vais voter oui", a expliqué à l'AFP Saïdi Alfred, attendant devant le bureau de vote d'une école de Kigali. "Nous voulons que le président continue de nous diriger".
Le texte peu connu des Rwandais
La Constitution révisée a été publiée jeudi sur le site du Parlement et des campagnes d'explication ont été organisées depuis une semaine. Mais nombre de Rwandais admettent ne pas connaître le détail du nouveau texte et répondre à la seule question qui compte: oui ou non au maintien au pouvoir de M. Kagame.
Le nouvel article 101 continue de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, tout en abaissant sa durée de sept à cinq ans. Mais parallèlement, un nouvel article 172 stipule que la réforme n'entrera en vigueur qu'après un nouveau septennat transitoire, entre 2017 et 2024. Le président sortant y sera donc éligible, de même que légalement aux deux quinquennats suivants.
Saïdi Alfred sait seulement que le président peut se représenter en 2017: "Ce qui m'intéresse c'est que le président soit réélu (...) Il nous a apporté beaucoup".
Montrant fièrement sa carte d'électeur, Eridigaride Niwemukobwa va elle aussi voter oui: "Paul Kagame a ramené la paix", assure-t-elle, admettant ne pas savoir pour combien de temps la nouvelle Constitution autorise le président à se maintenir au pouvoir.
Elu en 2003 et réélu en 2010, avec plus de 90% des voix à chaque fois, M. Kagame est l'homme fort du pays depuis juillet 1994: à l'époque, sa rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) avait chassé de Kigali les extrémistes hutu et mis fin au génocide qu'ils avaient déclenché trois mois auparavant (800.000 morts, essentiellement membres de la minorité tutsi).
Un engouement peu spontané, selon les observateurs
Les observateurs doutent de la spontanéité de l'engouement populaire pour cette révision, dans un pays souvent pointé du doigt pour son manque d'ouverture politique et ses entraves à la liberté d'expression. Ils accusent le FPR, désormais parti présidentiel présent à tous les échelons de la société, d'être à la manoeuvre pour permettre à M. Kagame de rester au pouvoir.
M. Kagame a balayé ces accusations et les critiques de plus en plus fermes de ses partenaires internationaux qui l'appellent à quitter le pouvoir en 2017, assurant que sa décision de se représenter alors ne dépendrait que du résultat du référendum.
Le scrutin "va dire au monde que quand il s'agit de définir l'avenir d'un pays et le dirigeant à qui confier cet avenir, personne d'autre que les Rwandais n'a le dernier mot", a écrit vendredi le quotidien pro-gouvernemental New Times dans un éditorial.
Plusieurs dirigeants africains ont récemment levé, ou tenté de lever, les limitations constitutionnelles du nombre de mandats, parfois au prix de mouvements de contestations, notamment au Burundi voisin, plongé dans une violente crise depuis huit mois.
Avec AFP