Des tirs à l'arme lourde étaient entendus vendredi à Bouaké à proximité du plus grand camp militaire de la deuxième ville de Côte d'Ivoire. Au moins deux commissariats de police ont été attaqués.
Selon la correspondante de VOA Afrique sur place, des militaires issus de l'ex-rébellion ivoirienne, occupent les corridors nord et sud de la ville depuis 1 heure du matin. La partie sud a néanmoins été libérée quatre heures après.
Dans un communiqué de presse, le ministre de la défense Alain-Richard Donwahi a expliqué que "le Commandant en Second de la troisième Région Militaire de Bouaké et le Commandant du Bataillon d’Artillerie Sol-Sol présents à l’Etat-Major de région de Bouaké, sont entrés en discussions avec le groupe".
Quatre revendications ont été transmises à l'autorité militaire: "le paiement de primes, l'augmentation de salaires, la réduction du temps à passer dans les grades et l'éclaircissement à propos d’une "supposée" prime "ECOMOG"."
Selon le communiqué de l'armée, des mesures ont également été prises par le ministère, notamment une mise en alerte de l’ensemble des troupes, le renforcement de la sécurité des emprises militaires.
"Il est demandé à tous les soldats de garder leur calme et de rentrer dans les casernes, en vue de permettre la recherche de solutions durables pour l’ensemble des composantes des Forces Armées de Côte d’Ivoire", explique le ministre.
Sur VOA Afrique, le ministre de la Défense a affirmé qu'"aucune indication ne montre" que les militaires en colère sont issus de l'ancienne rebellion ou qu'il aurait "autres choses derrières" que les revendications exprimées.
"Les militaires ont posé des actes de revendications pour etre entendus", a reconnu le ministre Alain-Richard DONWAHI. "Il n'y a eu aucune agression ou bavure", ajoutant que la situation était "maitrisée".
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Une mutinerie qui s'étend dans d'autres villes
Narita Namasté, correspondante de VOA Afrique à Abidjan a rapporté que les mutins se seraient avancés à 21 kilomètres au sud de Bouaké, à Djebonoua.
Tous les officiers supérieurs de l'armée ivoirienne en fonction à Bouaké ou en séjour privé se sont réfugiés à l'escadron de gendarmerie de la ville.
Parmi eux se trouvent le commandant du 3e bataillon, le colonel Vetcho, et le directeur général adjoint de la police, le colonel Kouyaté.
À la suite d'un deuxième échec des négociations, le chef d'État major et le ministre de la défense étaient attendus à Bouaké.
Les insurgés empêchaient toute transaction. Le général Bah Moro avait été pris en otage, mais il a été libéré par le CCDO de Bouaké vers 3 heures du matin grâce aux négociations.
Vers 10 heures, heure locale, des tirs ont été entendus au 2e bataillon de l'infanterie militaire de Daloa, au centre-ouest de la zone favorable à l'ancien chef d'État Laurent Gbagbo, et au 4e bataillon de Korogho, au nord, le deuxième fief de l'ex-rébellion.
On signale aussi des mouvements d'humeur à Daoukro et Odienne, a précisé Narita Namasté.
Selon Rinaldo De Pagne, analyste au sein de l'Intenational Crisis Group (ICG) à Dakar au Sénégal, ce mouvement de colère "dénote le problème de partage de richesse". M. De Pagne souligne que "les autorités ivoiriennes n'ont pas tiré les leçons du passé".
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Selon une source militaire, les mutins contrôlent toujours la ville de Bouaké. Ils ont également indiqué que plusieurs poudrières ont été cassées et des armes emportées.
Bouaké sous contrôle des mutins
Des militaires mutins qui réclament des augmentations de salaires contrôlaient vendredi soir la deuxième ville de Côte d'Ivoire, Bouaké, capitale de l'ex-rébellion armée, tirant à l'arme lourde et semant la peur parmi une population terrée chez elle, malgré l'appel au calme du gouvernement.
Lancé à Bouaké vendredi matin, ce mouvement de protestation de militaires s'était étendu dans la journée aux villes de Daloa et Daoukro (centre), et Korhogo (nord). Selon des témoins interrogés par l'AFP, les militaires s'étaient retirés vendredi soir des rues de ces trois villes et aucun tir n'y était entendu.
Ces militaires réclament le paiement de primes, des augmentations de salaires, une promotion plus rapide entre les grades et des logements.
"Les militaires contrôlent toujours Bouaké. La ville est déserte. Seuls les militaires circulent à bord de leurs véhicules et des voitures de l'administration qu'ils ont pris en tirant en l'air", a rapporté vendredi soir un correspondant de l'AFP. Ces militaires tiraient toujours sporadiquement vendredi soir au lance-roquettes et avec des kalachnikov.
Plusieurs dizaines de camions de marchandises et de cars de voyageurs en provenance d'Abidjan étaient bloqués à quelques kilomètres de l'entrée de Bouaké sans pouvoir progresser.
"C'est une mutinerie des ex-combattants intégrés dans l'armée qui réclament des primes de 5 millions de francs CFA (7.600 euros), plus une maison chacun", avait expliqué à l'AFP plus tôt vendredi un officier sous couvert d'anonymat.
"Nous réclamons non pas 5 millions de FCFA mais plutôt 10 millions chacun, plus une villa (...) Le cas échéant, nous ne regagnerons pas les casernes", a affirmé un soldat à l'AFP.
"Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2017, aux environs de 0h30, un groupe de militaires a fait irruption à l'état-major de la 3e région militaire (de Bouaké, ndlr) en faisant usage d'armes à feu", avait déclaré le ministre de la Défense, Alain-Richard Donwahi, dans un communiqué lu à la télévision nationale vendredi à la mi-journée.
Le ministre a appelé "tous les soldats (à) garder leur calme et (à) rentrer dans les casernes, en vue de permettre la recherche de solutions durables pour l'ensemble des composantes des Forces Armées de Côte d'Ivoire".
Vendredi dans la matinée, le gouvernement avait réuni un Comité national de crise, selon une source proche du ministère de la Défense.
- barricades -
A Bouaké, les soldats ont "cassé la poudrière du camp du 3e bataillon", le plus important de la ville, "c'est de là qu'ils ont sorti les lances-roquettes et d'autres armes montées sur des pickups", avait expliqué un officier à l'AFP.
"C'est vers 03h00 du matin (03H00 GMT) que des militaires sont arrivés au commissariat du 1er arrondissement situé au quartier Sokoura où ils ont désarmé les policiers présents et emporté des kalachnikov", avait indiqué à l'AFP un responsable de la police locale sous couvert d'anonymat.
Vendredi matin, les militaires avaient attaqué la préfecture de police et les sept commissariats de Bouaké et dressé des barricades au centre-ville, coupant toute circulation, avait constaté le correspondant de l'AFP.
Des soldats ont pris position à divers carrefours stratégiques de la ville et d'autres sillonnaient la ville à moto ou dans des colonnes de véhicules qu'ils ont pris à la police.
Ecoles et commerces étaient tous fermés à Bouaké, ancienne capitale de la rébellion qui contrôlait le nord du pays lorsqu'il était coupé en deux entre 2002 et 2011. Cette rébellion était favorable à l'actuel président Alassane Ouattara, alors que le sud du pays était tenu par les forces loyales à l'ex-président Laurent Gbagbo.
Vendredi soir, à Daloa, grande ville du centre-ouest, "les militaires ont regagné les casernes", a affirmé une source militaire, mettant fin aux tirs qui avaient semé la peur parmi la population.
A Korhogo, un militaire joint au téléphone a indiqué que "tout (était désormais) calme". A Daoukro (centre-est), fief de l'ex-président Henri Konan Bédié, grand allié du président Ouattara, les soldats qui avaient sillonné la ville "armés de kalachnikov (...) n'étaient plus visibles" en début de soirée, a rapporté un journaliste.
En novembre 2014, une vague de protestation de soldats était partie de Bouaké pour s'étendre à Abidjan, la capitale économique, et d'autres villes du pays.
Le non-paiement des "arriérés de soldes de 2009-2011 et de 2011-2014 des ex-combattants intégrés dans l'armée" avait été présenté comme le principal motif de leur mécontentement.
Le président Ouattara s'était engagé fin novembre 2014 à verser ces arriérés de soldes.
Selon plusieurs sources sécuritaires, d'anciens éléments rebelles, intégrés en 2009 dans les forces de sécurité nationales à la suite de l'accord de paix de Ouagadougou signé en 2007, étaient à l'origine du mouvement.
VOA Afrique