Couché sur une natte devant l'ambassade du Ghana à Lomé, l'ancien député, président du parti Les Démocrates, exige notamment la libération des personnes détenues dans le cadre des manifestations contre le pouvoir, qui avaient commencé il y a tout juste un an.
"Des médecins viennent tous les jours. Ils me consultent. Le reste m'engage. Je peux me sacrifier pour qu'on ait le changement dans ce pays, je n'ai pas peur pour ma vie. Ce qui est important pour moi, c'est surtout la libération de ces prisonniers", lance l'homme à barbe blanchie.
En amont des négociations avec le pouvoir sous l'égide de représentants de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'opposition avait obtenu la libération d'une quarantaine de personnes arrêtées dans le cadre des manifestations organisées par l'opposition au fil des derniers mois pour demander la démission du président Faure Gnassingbé.
Dix autres ont été libérés début septembre.
Mais selon les responsables de la coalition de 14 partis d'opposition, 44 personnes croupissent toujours dans les prisons togolaises. Le ministre de la Justice maintient que leur situation sera examinée au cas par cas.
"Il n'y a aucun membre de mon parti dans le groupe (des personnes toujours incarcérées). Mais ce sont des Togolais, des innocents qui souffrent dans nos prisons. S'ils sont libérés aujourd'hui, je vais quitter les lieux", assure M. Habia, l'un des leaders de l'opposition.
Il a lui-même été arrêté plusieurs fois, en 1992 et en 1994, sous le père de Faure Gnassingbé, Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé d'une main de fer le petit pays d'Afrique de l'Ouest pendant 38 ans.
"J'ai été torturé pendant des mois par les gendarmes avant d'être déféré à la prison de Lomé", raconte-t-il à l'AFP.
Comme les autres responsables de l'opposition, M. Habia milite pour une limitation rétroactive du nombre de mandats présidentiels, pour empêcher le président Faure Gnassingbé - qui en est à son troisième mandat - de se représenter en 2020 et 2025.
- Quinze kilos -
Il y a un an, une marée humaine s'était emparée des rues de Lomé et de plusieurs grandes villes du nord du pays, à l'appel de la coalition de l'opposition, pour demander la démission du président Faure Gnassingbé.
S'en sont suivies des dizaines de manifestations, des mois de confrontations, des centaines de blessés et une quinzaine de morts.
A son chevet, le gréviste de la faim garde une ardoise frappée du drapeau national avec des photos de quatre détenus et un journal proche de l'opposition. Il a posé dessus l'autobiographie du membre des forces spéciales américaines qui a abattu Oussama ben Laden, au titre évocateur: "No easy day" (Il n'y a pas de jour facile).
Non loin de lui, sont entassée des sachets remplis de bougies.
"Des gens viennent déposer des bougies tous les jours", explique Achille Mensah, conseiller en communication de l'opposant. "Ils disent qu'ils veulent ainsi éclairer l'esprit du président ghanéen Nana Akufo-Addo", l'un des deux facilitateurs dans la crise qui secoue le Togo.
Vendredi matin, une cinquantaine de personnes, pour la plupart des jeunes, étaient massées en devant l'ambassade pour soutenir l'ancien député.
"Certains jeunes passent la nuit avec lui et tôt le matin rentrent chez eux", ajoute-t-il, précisant que M. Habia a déjà perdu 15 kilos, selon des médecins.
A quelques mètres de là, une banderole frappée de photos de personnes arrêtées: "Libérez Messenth, Joseph, Assiba... militants des droits de l'homme et pro-démocratie arbitrairement arrêtés au Togo".
M. Habia ne boit qu'un verre d'eau par jour, depuis qu'il a refusé de s'alimenter.
Lundi, il a reçu la visite des gendarmes: "Ils m'ont intimé l'ordre de vider les lieux rapidement. Connaissant mes droits, j'ai résisté. Ils ont rebroussé chemin".
"Je ne suis pas là pour violenter quelqu'un. Je suis là pour demander à l'opinion nationale et internationale la libération de mes compatriotes. Je suis là pour montrer au monde entier, ce qui se passe au Togo", conclut-il d'une voix posée.
Avec AFP