Ahmad Al Faqi Al Mahdi est de fait le premier jihadiste devant la CPI, le premier suspect arrêté dans l'enquête de la Cour sur le Mali et le premier poursuivi par la CPI pour destructions d'édifices religieux et monuments historiques.
Sa comparution dite "initiale", expédiée en une trentaine de minutes, fait suite à son transfèrement dans la nuit de vendredi à samedi au centre de détention de la CPI, à La Haye. Il était précédemment détenu au Niger.
Épaisse chevelure frisée, barbe, lunettes rectangulaires, le suspect, habillé d'un costume bleu foncé, chemise claire et cravate rouge, s'est adressé en arabe à la Cour.
"Mon nom est Ahmad Al Faqi Al Mahdi, je suis de la tribu touareg Al Ansar, je suis né il y a environ 40 ans", a-t-il dit au juge qui lui demandait de s'identifier. "J'étais un fonctionnaire dans l'éducation dans le gouvernement malien en 2011".
Le juge Cuno Tarfusser a ensuite demandé au greffe de lire les crimes de guerre retenus contre le suspect, avant de lui lire ses droits : "Vous êtes présumé innocent jusqu'à preuve du contraire".
Il a finalement fixé au 18 janvier le début de l'audience de confirmation des charges, étape de la procédure durant laquelle la procureure doit convaincre les juges que son dossier est assez solide pour mener à un procès.
- 'Cité des 333 saints' -
Selon l'accusation, M. Al Mahdi était un des chefs d'Ansar Dine, un groupe islamiste radical associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En tant que tel, il aurait dirigé la destruction de dix édifices religieux dans la vieille ville de Tombouctou, inscrite au patrimoine mondial de l'humanité.
Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l'islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes.
La CPI avait ouvert en 2013 une enquête sur les exactions commises au Mali par les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda.
Ces derniers avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, après la déroute de l'armée face à une rébellion à dominante touareg. Tombouctou était restée sous leur contrôle entre avril 2012 et janvier 2013.
Considérant la vénération des saints comme de l'"idolâtrie", les islamistes avaient défiguré la Cité des 333 saints", notamment en visant les mausolées.
La Fédération internationale des droits de l'Homme a salué le transfert de M. Al Faqi à la CPI, mais, dit-elle, "le bureau du procureur doit prendre en compte de graves allégations sur la responsabilité pénale de M. Al Faqi pour d'autres crimes contre des civils, dont le viol, l'esclavage sexuel et le mariage forcé".
- Brigade des moeurs -
C'est en tant que chef présumé de la "Hesbah", la brigade des moeurs, que M. Al Faqi a dirigé et participé personnellement aux attaques contre les monuments, affirme le mandat d'arrêt délivré à son encontre.
L'accusation liste neuf mausolées et une des trois plus importantes mosquées de la ville, Sidi Yahia. Il participait en outre à l'exécution de décisions prises par le Tribunal islamique de Tombouctou, selon l'accusation.
Le juge Tarfusser lui a demandé s'il souhaitait s'exprimer quant aux charges retenues contre lui, M. Al Faqi a dit: "Je ne souhaite pas faire de déclarations, je vais consulter mon avocat et son équipe".
Également connu sous le nom d'Abou Tourab, M. Al Faqi est originaire d'Agoune, à 100 kilomètres à l'ouest de Tombouctou. Aucune indication n'a été donnée sur la date et les circonstances de son arrestation.
Les jihadistes qui contrôlaient le nord du Mali en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.
L'Unesco a lancé en 2014 un vaste programme de reconstruction de Tombouctou et notamment de ses mausolées.
Avec AFP