Trois militaires français tués en Libye, où Paris confirme son engagement

Des soldats français de l'opération barkhane patrouillent au nord de Tombouctou, Mali, 6 novembre 2014.

Paris a reconnu mercredi la mort en Libye de trois militaires français dans des circonstances peu claires, confirmant pour la première fois la présence de soldats français dans ce pays.

Selon les autorités françaises, les trois soldats étaient en mission de renseignement.

"La Libye connaît une instabilité dangereuse. C'est à quelques centaines de kilomètres seulement des côtes européennes. Et en ce moment-même, nous menons des opérations périlleuses de renseignement" dans ce pays, a déclaré le président François Hollande. "Trois de nos soldats qui étaient justement dans ces opérations viennent de perdre la vie dans le cadre d'un accident d'hélicoptère", a-t-il ajouté.

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a aussi déploré dans un communiqué la "perte de trois sous-officiers français décédés en service commandé en Libye" et salué le "courage et le dévouement de ces militaires (...) qui accomplissent, tous les jours, des missions dangereuses contre le terrorisme".

Les autorités françaises n'ont cependant fourni aucune précision sur les circonstances de l'accident.

Selon des sources libyennes, l'appareil aurait été visé dimanche par des islamistes équipés de systèmes sol-air portatifs de type SA-7. Ils ont "probablement été visés par des groupes islamistes dans le secteur de Magroun, à environ 65 kilomètres à l'ouest de Benghazi" (est), a déclaré un commandant relevant des forces du général Khalifa Haftar.

Dans un contexte volatile, les Etats-Unis ont envoyé quelques forces spéciales en Libye afin de mieux connaître le terrain et identifier les différentes forces en présence. Leur rôle reste cantonné au renseignement, insiste toutefois le Pentagone.

Des médias britanniques ont aussi évoqué la présence de forces spéciales du Royaume-Uni en Libye.

La France reconnaissait jusqu'ici que ses avions militaires survolaient le pays - ils l'ont notamment fait à partir du porte-avions Charles de Gaulle - pour collecter du renseignement sur les positions de l'EI.

Elle n'avait en revanche jamais confirmé de présence militaire au sol des forces spéciales et/ou agents du Service action du Renseignement extérieur (DGSE), opérant dans la clandestinité.

'Conseillers'

Un membre des forces spéciales du général Khalifa Haftar, basé dans l'est de la Libye, a affirmé à l'AFP que les soldats français tués étaient des "conseillers".

Les combattants qui ont visé l'hélicoptère M17 "essaient de nous attaquer depuis l'ouest de Benghazi afin de pénétrer dans la ville et d'y stopper notre avancée", a ajouté un autre commandant opérant sous les ordres du général Haftar.

Ce dernier, chef proclamé de l'armée nationale libyenne (ANL), s'est posé en héraut de la lutte contre les islamistes - dont le groupe Etat islamique - à Benghazi, principale ville de l'est du pays, avec un succès mitigé.

Il s'oppose en outre toujours à l'autorité du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), soutenu par les Occidentaux et installé depuis fin mars à Tripoli, et est resté loyal aux autorités parallèles qui siègent dans l'est du pays.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est livrée aux milices armées et minée par des luttes de pouvoir et des violences qui ont favorisé la montée en puissance des jihadistes de l'EI.

Les Européens s'inquiètent de cette menace directe au sud de la Méditerranée, même si l'EI est sous la pression des forces du gouvernement d'union nationale dans son fief de Syrte (centre-nord).

Le groupe, qui cherche à étendre son influence au-delà de la Syrie et de l'Irak, où il est sur la défensive, compterait 1.000 à 1.500 combattants en Libye, selon une source sécuritaire française, soit beaucoup moins que les 3.000 à 5.000 évoqués jusqu'ici.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, redoute toutefois, selon un document confidentiel consulté par l'AFP, que des cellules de l'EI, chassées de leur fief de Syrte, ne s'implantent ailleurs en Libye ou en Afrique du nord.

Les Etats-Unis et leurs alliés européens veulent éviter tout engagement formel en Libye tant que le gouvernement d'union nationale n'en fait pas la demande, l'opinion publique libyenne restant farouchement opposée à une nouvelle intervention étrangère.

Le chef de ce gouvernement, Fayez al-Sarraj, a toutefois reconnu fin juin dans un entretien à l'AFP que ses forces recevaient de l'aide étrangère en "expertise et logistique". Elles pourraient notamment être assistées pour la localisation et le ciblage de combattants de l'EI.

Avec AFP