Trois naufrages des migrants en Méditerranée depuis le début de la semaine

Un montage d’images montrant le chavirage d’un bateau transportant des migrants au large de la côte libyenne, 25 mai 2016.

Des dizaines de personnes étaient portées disparues après un nouveau drame vendredi, moins de 24 heures après le chavirage d'un autre bateau de pêche surchargé, qui a fait entre 20 et 30 morts.

Avec un nouvel afflux massif de migrants, trois naufrages meurtriers en trois jours, et même une naissance en mer, la Méditerranée a connu cette semaine un condensé de ses dernières années.

Mercredi, les images transmises par la marine italienne du premier de ces trois naufrages consécutifs ont fait le tour du monde. La marine a réussi à sauver plus de 550 personnes mais leurs récits laissent redouter une centaine de disparus.

"Trois naufrages en trois jours, c'est très inquiétant. On voit maintenant arriver ces bateaux de pêche de très mauvaise qualité", a déclaré à l'AFP Carlotta Sami, porte-parole du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).

Ceux-ci sont particulièrement instables lorsqu'ils sont surchargés, comme c'est à chaque fois le cas.

"Sur les bateaux de migrants, ceux qui sont dans la cale font ballast, mais ils essaient toujours de sortir le plus vite possible (...). Pendant le secours d'hier (mercredi), ceux de la cale sont sortis et ont fait remonter le centre de gravité du bateau, qui a perdu toute stabilité", a expliqué à l'AFP Antoine Laurent, officier de la marine marchande française, qui participe aux opérations de sauvetage en Méditerranée.

Depuis lundi matin, les messages d'alerte se sont succédé sur les radios de l'armada de navires militaires, humanitaires et commerciaux qui croisent au large de la Libye: plus de 12.000 migrants secourus en cinq jours, du jamais vu selon des secouristes.

"C'est exceptionnel, on est presque au niveau des îles grecques l'année dernière", quand des milliers de migrants arrivaient chaque jour via la Turquie, reconnaît Flavio di Giacomo, porte-parole en Italie de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Même si l'ampleur de cette vague est probablement due avant tout au temps clément, les observateurs sont surpris et inquiets de voir arriver de Libye des bateaux de pêche chargés de centaines de personnes, alors que depuis l'automne les passeurs libyens n'envoyaient quasiment plus que des canots pneumatiques avec 100 à 140 personnes à bord, qui se sont révélés paradoxalement plus sûrs.

Détresse des survivants

Une équipe de psychologues et de médiateurs culturels de Médecins sans frontières (MSF) a été marquée par la détresse des survivants du premier naufrage, arrivés jeudi à Porto Empedocle, dans le sud de la Sicile.

"Presque tous ont perdu un ou plusieurs proches", a expliqué à l'AFP Andrea Anselmi, chef de projet MSF en Sicile. Les femmes et les enfants étaient déjà en sûreté au moment du chavirage, mais plusieurs se retrouvent veuves ou orphelins.

"Il y a vraiment une dimension incroyable à cet événement. Nous le ressentons fortement", a ajouté M. Anselmi, expliquant que l'équipe avait "travaillé à aider ces personnes à digérer le fait d'avoir vu quelqu'un mourir sous leur yeux".

Dans le même temps, des dizaines de familles ont proposé d'adopter la petite Favour de neuf mois, arrivée orpheline sur l'île italienne de Lampedusa après un autre naufrage, tandis que la naissance, mercredi, du petit Destiné Alex, sur le navire humanitaire Aquarius, qui avait recueilli sa mère, a suscité une grande émotion.

Les événements de cette semaine ne sont qu'une concentration des drames terribles et parfois des petites joies qui se succèdent depuis l'été 2013 au large de la Libye. Pendant cette période, la Méditerranée a englouti au moins 9.000 personnes... et les navires de la marine ou des gardes-côtes italiens ont enregistré une demi-douzaine de naissances.

Surtout, la vague de cette semaine porte le nombre des arrivées à environ 44.000 selon un décompte de l'OIM, soit encore en-deçà des 47.400 enregistrées au 31 mai l'année dernière.

Les estimations sur le nombre de candidats au départ actuellement en Libye varient de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers, sans aucune certitude.

Et les craintes de voir le flux de Syriens, Afghans et Irakiens bloqué par la fermeture de la route des Balkans se détourner vers l'Italie ne se sont pour l'instant pas concrétisées: la quasi-totalité des arrivants de cette année venaient d'Afrique subsaharienne.

Avec AFP