Les forces russes resserraient vendredi leur étau autour de Kiev, avec des combats en cours dans et aux abords de la capitale de l'Ukraine, au deuxième jour d'une invasion que l'armée ukrainienne faisait "tout son possible" pour repousser.
Au lendemain du lancement par Vladimir Poutine d'une attaque massive contre l'Ukraine voisine, qui a déjà fait des dizaines de morts et plus de 100.000 déplacés, les premiers combats dans la capitale étaient signalés.
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Des échanges de tirs et des explosions ont été entendus dans le quartier d'Obolon. Plusieurs détonations sourdes étaient aussi entendues depuis le centre-ville, selon l'AFP.
L'armée de terre ukrainienne a souligné que des "tirs de missiles" visaient Kiev, précisant en avoir détruit deux en vol.
Selon le maire de la ville, Vitali Klitschko, ces tirs auraient blessé trois personnes, dont une grièvement, dans un quartier résidentiel du sud-est de la capitale.
Les forces ukrainiennes ont également rapporté combattre des unités de blindés russes dans deux localités au nord de Kiev, Dymer (45 km) et Ivankiv (80 km). Des troupes russes approchaient aussi la capitale - désertée vendredi matin, mais qui compte en temps normal près de trois millions d'habitants - depuis le nord-est et l'est, selon l'armée ukrainienne.
"Cette nuit, ils ont commencé à bombarder des quartiers civils. Cela nous rappelle (l'offensive nazie) de 1941", a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky vendredi matin dans une vidéo sur les réseaux sociaux, prononçant cette phrase en russe, à l'attention des citoyens russes.
Il a salué l'"héroïsme" des Ukrainiens face à une invasion qui selon lui a déjà fait 137 morts et 316 blessés côté ukrainien, assurant que ses soldats faisaient "tout leur possible" pour défendre le pays.
"La Russie devra nous parler tôt ou tard", a-t-il ajouté. "Plus tôt cette conversation commencera, et plus réduites seront les pertes pour la Russie elle-même".
Le ministère ukrainien de la Défense a appelé les civils à prendre les armes.
"Nous demandons aux citoyens de nous informer des mouvements ennemis, faites des cocktails molotov, neutralisez l'occupant!", a-t-il écrit dans ce message.
- "Décapiter le gouvernement" -
Dans la nuit, après l'instauration d'un couvre-feu à Kiev et alors que Zelensky décrétait la mobilisation générale, des sources militaires occidentales avaient indiqué que les forces russes avaient déjà acquis "une supériorité aérienne totale" en Ukraine.
Leur objectif est de "décapiter le gouvernement" ukrainien pour le remplacer par une équipe favorable à Moscou, selon ces sources.
Le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov a déclaré que la Russie voulait "libérer" les Ukrainiens de "l'oppression", semblant confirmer l'objectif d'un renversement du pouvoir.
Zelensky a déploré que l'Ukraine soit "laissée seule" face aux forces russes. L'Otan, dont les dirigeants se réunissaient vendredi en visioconférence, a déclaré qu'elle n'y déploierait pas de troupes.
Le président américain Joe Biden a lui aussi répété jeudi que les Etats-Unis n'enverraient pas de soldats en Ukraine, mais qu'ils ne cèderaient pas "le moindre pouce de territoire de l'Otan". Le Pentagone dépêchera quelque 7.000 soldats de plus en Allemagne.
- "Guerre totale" -
La France va, elle, accélérer le déploiement dans le cadre de l'Otan de soldats en Roumanie, pays frontalier de l'Ukraine, a annoncé le président Emmanuel Macron, tout en voulant "laisser ouvert le chemin" du dialogue avec Moscou.
"La guerre est totale", a déclaré vendredi son ministre des Affaires étrangère Jean-Yves Le Drian. "Le président Poutine a choisi (..) de sortir l'Ukraine de la carte des Etats (...) La sécurité du président Zelensky est un élément central" et Paris peut "l'aider si nécessaire".
Il s'est dit "inquiet pour la suite", notamment pour la Moldavie et la Géorgie. Les deux ex-Républiques soviétiques incluent des territoires séparatistes prorusses.
Vladimir Poutine a menacé les Occidentaux de riposte "immédiate" s'ils tentaient "d'interférer".
- Faire de Poutine "un paria" -
Pour l'instant, le camp occidental se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie, en compliquant l'accès aux marchés financiers internationaux de ses principales institutions financières, et en restreignant drastiquement son accès aux technologies.
Joe Biden a promis de faire de Poutine "un paria sur la scène internationale".
"Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent", a aussi affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Les Vingt-Sept ne sont cependant pas allés jusqu'à exclure la Russie du système d'échanges bancaires internationaux Swift, comme Kiev le demandait.
Le président Zelensky a appelé les Européens à appeler encore plus loin.
"La pression sur la Russie doit augmenter. C'est ce que j'ai dit" à la présidente de la Commission européenne, a-t-il déclaré vendredi sur Twitter.
Après avoir plongé jeudi matin, les Bourses mondiales reprenaient du poil de la bête vendredi.
L'environnement demeurait cependant très incertain. Les cours des matières premières restaient très élevés, avec un baril de pétrole Brent qui se maintenait au-dessus des 100 dollars même si le WTI américain était revenu autour de 95 dollars.
La Russie et l'Ukraine sont des pays essentiels pour l'approvisionnement en pétrole, gaz, blé et autres matières premières cruciales.
- Plus de 100.000 déplacés -
Environ 100.000 personnes ont fui leurs foyers en Ukraine et des milliers ont quitté leur pays, a indiqué le Haut-commissariat de l'Onu pour les réfugiés.
L'UE s'est dite "pleinement préparée" à les accueillir. Une réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE est prévue ce week-end pour examiner "l'impact humanitaire et sécuritaire" de la crise et "les mesures de rétorsion", selon un responsable français.
Des centaines de réfugiés sont déjà arrivés en Pologne.
Quelque 200 personnes ont passé la nuit dans la gare polonaise de Przemysl (sud-est), transformée en centre d'accueil.
Parmi elles, Konstantin, qui ne sait pas "quand ni si je retournerai en Ukraine": "Le problème en Ukraine est énorme" et "il faudra probablement des mois, des années peut-être pour le résoudre".
L'offensive russe a commencé jeudi à l'aube, après la reconnaissance lundi par Vladimir Poutine de l'indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass, parrainés par Moscou depuis 2014.
Pour justifier cette intervention, le maître du Kremlin a réitéré ses accusations de "génocide" orchestré par Kiev dans les "républiques" séparatistes prorusses du Donbass, cité un appel à l'aide des séparatistes et dénoncé la politique "agressive" de l'Otan.
Plus de 150.000 soldats russes étaient néanmoins massés aux portes de l'Ukraine depuis des jours.
Vladimir Poutine a averti les Occidentaux "qui tenteraient d'interférer", que "la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n'avez encore jamais connues".
Des manifestations contre la guerre ont eu lieu jeudi à Moscou, Saint-Pétersbourg et d'autres villes russes.
Plus de 1.700 personnes ont été interpellées à travers le pays, selon une ONG, après que les autorités russes eurent interdit de telles manifestations.
D'autres rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes du monde.
Les Etats-Unis et l’Albanie ont demandé un vote du Conseil de sécurité de l'Onu vendredi à 20H00 GMT sur un projet de résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine et réclamant à la Russie le retrait immédiat de ses troupes.