Recep Tayyip Erdogan a déclaré que l'attentat commis dans le centre de cette grande ville, le pire de l'année en Turquie, avait été perpétré par "un kamikaze qui avait entre 12 et 14 ans et qui soit s'est fait exploser, soit portait des explosifs actionnés à distance". Comme il l'avait fait dans la nuit, le président a réaffirmé qu'il soupçonnait l'EI, devant la presse à Istanbul.
L'utilisation d'enfants ou d'adolescents comme kamikazes est apparemment une première dans la vague d'attentats particulièrement meurtriers qui secoue la Turquie depuis un an et sont imputés aux jihadistes de l'EI ou à la guérilla kurde du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Le chef de l'Etat a indiqué que 69 personnes étaient toujours hospitalisées, parmi lesquelles 17 dans un état critique, dans la ville située à 60 km de la frontière syrienne.
"D'où que vienne la terreur, cela ne change rien pour nous", a déclaré M. Erdogan. "En tant que nation, nous utiliserons toute notre force, unis, main dans la main, pour lutter contre le terrorisme comme nous l'avons fait le 15 juillet", a-t-il ajouté, en référence au putsch raté mené par une faction de l'armée.
Les restes d'une veste d'explosifs ont été retrouvés sur les lieux, avait annoncé peu auparavant le parquet, confirmant la thèse d'un attentat-suicide.
L'attentat a visé un mariage auquel assistaient de nombreux Kurdes, dont certains manifestaient dimanche leur colère contre le gouvernement qui ne les aurait pas protégés.
Le député du HDP (parti kurde) de Gaziantep Mahmut Togrul a ainsi accusé : " Cette attaque a pris pour cible toute le peuple kurde. Ce mariage a été visé parce qu'il s'agissait d'un mariage kurde".
Mais les médias turcs restaient prudents, se bornant à indiquer que de nombreux Kurdes assistaient à ce mariage.
"Bain de sang"
M. Erdogan, qui s'est beaucoup plaint du manque de solidarité des Occidentaux après le putsch avorté, a vu les messages de solidarité affluer rapidement des Etats-Unis, de France, d'Allemagne, de l'Union européenne, mais aussi de l'Otan, de la Russie et du Vatican, ainsi que des engagements à renforcer la lutte conjointe contre le terrorisme.
Un responsable turc a indiqué que le mariage "se déroulait en plein air" et dans un quartier du centre de Gaziantep à forte populaiton kurde, donnant du crédit à la piste jihadiste.
Les mariés ont survécu au carnage. "Ils ont transformé notre mariage en bain de sang", a déclaré à l'agence Anadolu la mariée Besna Akdogan, alternant crises de larmes et d'évanouissement depuis le drame. Légèrement blessée, elle a pu quitter l'hôpital dimanche.
D'après l'agence de presse Dogan, le kamikaze s'est mêlé aux invités - dont un grand nombre de femmes et d'enfants - avant d'actionner sa charge. Les forces de sécurité étient à la recherche de deux personnes qui l'accompagnaient.
Alors que Gaziantep commençait à enterrer ses morts, des témoins ont livré des descriptions effroyables. "Lorsque nous sommes arrivés il y avait des tas de morts, une vingtaine, des personnes (avec) la tête, le bras, la main éparpillés sur le sol", a dit un homme.
"Regardez, ce sont les morceaux de ferraille qui sont entrés dans les corps de nos proches, ces billes les ont tués, il n'y a plus rien à dire", a déclaré un autre.
Des rangées de cercueils
A Gaziantep, une foule d'hommes priaient devant des rangées de cercueils drapés de blanc et de nombreuses familles consultaient avec détresse les listes des victimes transportées à la morgue.
Sur les lieux de l'explosion, de nombreux bâtiments proches ont eu les vitres brisées par le souffle. Ici et là traînaient des chaussures ou chaussons d'enfants.
M. Erdogan a jugé que les auteurs de l'attaque avaient pour objectif de semer la division entre les différents groupes ethniques vivant en Turquie.
Nombre de jihadistes perçoivent les Kurdes comme des ennemis. En Syrie voisine, les milices kurdes sont en première ligne dans les combats contre l'EI et ont permis leur recul sur le terrain.
Gaziantep est devenue le point de passage de très nombreux réfugiés syriens fuyant la guerre dans leur pays, dont 2,7 millions vivent en Turquie.
Mais la zone abriterait, en dehors des réfugiés et des militants de l'opposition, un nombre significatif de jihadistes.
L'attentat de Gaziantep est survenu le jour où le Premier ministre Binali Yildirim a annoncé que la Turquie souhaitait jouer un rôle "plus actif" dans la solution de la crise en Syrie afin de "faire cesser le bain de sang".
Après avoir traîné des pieds, Ankara est également plus activement impliqué aujourd'hui dans la lutte de la coalition dirigée par les Etats-Unis contre l'EI.
Avec AFP