Deux personnes ont été tuées lundi à Kisumu, dans l'ouest du Kenya, lorsque la police a dispersé l'une des manifestations organisées par l'opposition pour réclamer à nouveau la dissolution de la commission électorale, après l'échec de discussions avec le gouvernement.
Les deux morts, des hommes, portaient des traces de blessures par balle, selon des témoins contactés par l'AFP depuis Nairobi. Plusieurs manifestants ont affirmé qu'ils avaient été victimes des tirs de la police, qui n'a pas réagi dans l'immédiat à ces accusations.
Le premier corps a été placé par des jeunes devant la morgue d'un hôpital de Kisumu, en signe de protestation. Le deuxième corps a, lui, été déposé au milieu d'une route alors que de violents affrontements opposaient les manifestants à la police.
Kisumu, au bord du lac Victoria, est une ville acquise à l'opposition qui, avec des organisations de la société civile, a déjà organisé plusieurs manifestations à travers le pays contre la commission électorale (IEBC) depuis le 25 avril.
Selon ces organisations, la commission est favorable au camp présidentiel et ne peut garantir l'équité de l'élection présidentielle d'août 2017, qui devrait opposer une nouvelle fois l'actuel président Uhuru Kenyatta, 54 ans, au chef de l'opposition, Raila Odinga, 71 ans.
Six personnes ont également été hospitalisées à Kisumu pour des blessures par balles, selon la Croix-Rouge.
La répression policière a suscité l'indignation des manifestants.
"Ce n'est pas juste. La police ne peut pas tirer sur les gens à chaque fois qu'ils exercent leurs droits. Cet homme a été tué par balles alors qu'il manifestait", a réagi auprès de l'AFP l'un des manifestants, Michael Omondi, après le premier décès.
"La dernière fois, ils ont tué quelqu'un et prétendu qu'il s'était blessé en tombant. Que vont-ils dire aujourd'hui après la mort de cet homme? Parce que clairement, on lui a tiré dessus", a insisté un autre habitant de Kisumu, Charles Otieno.
Selon la police, trois manifestants avaient été tués le 23 mai dans l'ouest du Kenya: deux avaient été abattus par les forces anti-émeute à Siaya, et le troisième était décédé après avoir chuté en fuyant les gaz lacrymogènes à Kisumu.
Calme à Nairobi
L'opposition avait décidé le 25 mai de suspendre les manifestations pour ouvrir le dialogue avec le gouvernement. Mais les discussions n'ont pas abouti et la coalition d'opposition (Cord) a décidé de descendre à nouveau dans la rue.
Dès que les manifestants de Kisumu ont pris connaissance des deux décès, des heurts violents ont éclaté avec la police anti-émeute, dans le bidonville de Kondele et au centre-ville de Kisumu.
Des magasins ont été pillés et deux supermarchés détruits. Les policiers ont dû utiliser des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour essayer de disperser des jeunes qui leur jetaient des pierres tout en leur demandant de leur tirer dessus.
"Quel genre de police utilise des balles réelles sur des manifestants alors même qu'un tribunal a autorisé les manifestations. Qu'ils nous tirent tous dessus s'ils veulent, nous manifestons pour une juste cause", a lancé un manifestant, Rodgers Ochieng.
La Haute cour kényane, saisie par des députés de la majorité qui souhaitaient que les manifestations soient interdites, n'a pas accédé à leur requête. Elle a demandé lundi à la police de respecter le droit des opposants à manifester, tout en garantissant l'ordre public.
Sitôt l'annonce de la Haute cour, des manifestants se sont rassemblés en fin de matinée à Uhuru Park, au centre de la capitale Nairobi. Ils ont ensuite été rejoints par les dirigeants de l'opposition et ont commencé à marcher dans le calme vers les locaux de la Commission électorale.
La police de Nairobi, qui avait prévenu qu'elle utiliserait la "force létale" contre les manifestants et les avait enjoints à ne pas se déplacer s'ils "tenaient à leur vie", a été contrainte de laisser la manifestation se tenir.
En tête du cortège figurait Raila Odinga, battu lors des élections de 2013 dont il avait contesté le résultat, et ancien Premier ministre dans le gouvernement d'unité nationale formé après les violences post-électorales de 2007-2008 qui avaient fait plus de 1.100 morts.
Avec AFP