Un mystérieux appel au boycott de produits courants agite le Maroc

Les dirigeants de Danone à l'Assemblée Générale des Actionnaires, à Paris, le 26 avril 2018

De mystérieux appels à boycotter des marques de produits de grande consommation ont été massivement relayés ces derniers jours sur les réseaux sociaux marocains, suscitant de multiples réactions et des interrogations.

Le mot d'ordre lancé anonymement dénonce "la cherté de la vie", le "monopole" de certaines entreprises et appelle à "baisser les prix" des produits de grande consommation.

Rien n'explique pourquoi trois marques sont visées en particulier, si ce n'est qu'elles détiennent des parts de marché conséquentes: Afriquia, premier distributeur de carburants au Maroc, dont l'actionnaire majoritaire est l'homme d'affaires et ministre de l'Agriculture Aziz Akhannouch, les eaux minérales de Sidi Ali du géant marocain Holmarcom, et les produits laitiers de Centrale Danone, filiale du groupe français éponyme.

Une dizaine de pages Facebook, suivies par des centaines de milliers de personnes, ont massivement relayé le message et les internautes sont nombreux à partager une photomontage des trois marques frappées d'une croix, accompagné du slogan "nous boycottons".

"Il vaut mieux boycotter que manifester", proclame un message diffusé sur une page Facebook.

Alors que les initiateurs du boycott restent dans l'ombre, les responsables commencent à réagir. "La filière laitière emploie 470.000 personnes (...), les enjeux sont réels, ce n'est pas un jeu d'enfants", a déclaré mercredi le ministre Aziz Akhannouch, première fortune privée du pays, en marge du salon de l'Agriculture. Pour illustrer ses propos, il a publiquement bu un verre de lait.

La veille, le ministre de l'Economie et des Finances Mohamed Boussaid avait fustigé au Parlement les "écervelés" à l'origine du boycott, appelant à défendre les entreprises marocaines.

Un responsable de Centrale Danone, lui, est allé jusqu'à évoquer une "atteinte aux intérêts de la Nation à travers le boycott de marques produites au Maroc", en marge du salon de l'Agriculture.

Des médias évoquent la piste d'un "règlement de compte politique" qui ciblerait M. Akhannouch, patron du parti libéral RNI, ministre de l'Agriculture depuis 2007.

Certains médias accusent des "jeunes" du parti islamiste PJD, qualifiés de "partisans" de l'ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, de "régler des comptes" avec M. Akhannouch.

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Des divergences entre les deux hommes avaient en effet bloqué un temps la formation du gouvernement après les législatives d'octobre 2016, précipitant la chute de M. Benkirane.

En février, ce dernier avait mis en garde contre "le mariage entre argent et pouvoir", en référence à la double casquette de M. Akhannouch, suscitant un début de crise au sein de la coalition gouvernementale.

Joint par l'AFP, le secrétaire national de la jeunesse du PJD Mohamed Amkzaz a démenti toute implication des militants de son parti dans cette campagne.

L'impact réel du boycott reste difficile à évaluer. Sollicitées par l'AFP, les trois entreprises n'ont pas donné suite. Mais, à Rabat, plusieurs commerçants interrogés par l'AFP ont constaté que les ventes de l'eau minérale Sidi Ali et du lait distribué par Danone connaissent depuis deux jours des baisses.

Avec AFP