"Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu'ils sont du point de vue d'aujourd'hui: un génocide", a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas.
Les colons allemands avaient tué des dizaines de milliers d'Herero et de Nama lors de massacres commis entre 1904 et 1908, considérés par de nombreux historiens comme le premier génocide du 20e siècle.
Le chef de la diplomatie a salué la conclusion d'un accord de réconciliation avec la Namibie, dont tous les détails n'ont pas encore été rendus public, intervenu après plus de cinq ans d'âpres négociations sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l'Allemagne entre 1884 et 1915.
Il s'agit "d'un premier pas dans la bonne direction", a réagi Alfredo Hengari, le porte-parole du président namibien Hage Geingob, auprès de l'AFP. "C'est la base de la deuxième étape, qui consiste à présenter des excuses, suivies de réparations".
L'Allemagne entend bien s'excuser officiellement. "A la lumière de la responsabilité historique et morale de l'Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes" pour les "atrocités" commises, a souligné M. Maas.
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"Frustration et mécontentement"
En revanche, Berlin se garde d'employer le terme de réparations.
La convention de l'ONU sur la prévention et la répression du crime de génocide, élaborée en 1948 après l'Holocauste, ne s'applique pas de façon rétroactive. L'Allemagne estime donc que sa reconnaissance d'un génocide n'ouvre la voie à aucune "demande légale d'indemnisation".
Dans un "geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes", le pays européen va toutefois soutenir la "reconstruction et le développement" en Namibie via un programme financier de 1,1 milliard d'euros, selon M. Maas.
Cette somme, versée sur 30 ans, doit profiter en priorité aux descendants de ces deux populations, notamment pour des projets de développement immobilier ou agricole.
Berlin ne reconnaît ainsi "aucun devoir de réparation", mais présente cette somme "comme une aide volontaire" à la Namibie, a dénoncé l'association Postkolonial, oeuvrant au travail de mémoire de l'Allemagne sur son passé colonial.
L'accord, auquel les représentants des deux ethnies n'ont, selon elle, pas été assez associés, est propre à susciter "frustration et mécontentement" au lieu d'une "réconciliation".
"Nous n'accepterons pas un accord conclu entre ces deux gouvernements", a d'ores et déjà fait savoir en Namibie un haut représentant des Herero, Mutjinde Katjiua, auprès de l'AFP.
Le texte doit encore être validé par les parlements respectifs des deux pays.
Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre Windhoek et Berlin.
L'Allemagne s'est à plusieurs reprises opposée à payer un dédommagement, invoquant les millions d'euros d'aide au développement versés à la Namibie depuis son indépendance en 1990.
Camps de concentration
Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, celui sur la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, a été longtemps délaissé.
Les tribus herero représentent aujourd'hui environ 7% de la population namibienne contre 40% au début du XXe siècle.
Privés de leurs terres et de leur bétail, ils s'étaient révoltés en 1904 contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi ces derniers.
Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination. Les Nama s'étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort.
Au total, au moins 60.000 Herero et environ 10.000 Nama perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires: massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d'hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.
Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la "supériorité de la race blanche".