Tiré à un million d'exemplaires, ce numéro reprend la veine anticléricale qui a toujours fait partie de l'identité du journal, avec en Une un Dieu barbu, armé d'une kalachnikov et à l'habit ensanglanté, sous le titre : "un an après, l'assassin court toujours".
"Charlie a toujours été un journal de combat, mais un combat marrant, déconnant !", a déclaré à l'AFP le dessinateur Riss, directeur de l'hebdomadaire, survivant du massacre qui a tué 12 personnes dont plusieurs dessinateurs et collaborateurs vedettes de la publication.
"Charlie Hebdo ne lâche rien", constate le quotidien Le Parisien. "Résolument, qu'on les aime ou pas, ils sont ‘Charlie’!". "Un an après le crime du 7 janvier, on peut se rassurer sur ce point : contre les dévots, les fanatiques, les agenouillés, les conformistes et les dogmatiques, Charlie vivra", se félicite le directeur de Libération, Laurent Joffrin, dont le journal a hébergé l'équipe de l'hebdomadaire après l'attentat.
Mais cet athéisme provocateur n'est pas du goût de tout le monde. Le journal du Vatican, l'Osservatore Romano, a déploré dès mardi que "derrière le drapeau trompeur d'une laïcité sans compromis", l'hebdomadaire omet de rappeler que de nombreux dirigeants religieux ont condamné la violence au nom de la religion.
Le président du Conseil français du culte musulman Anouar Kbibech s'est dit "blessé" par cette caricature qui "vise l'ensemble des croyants des différentes religions".
La sortie du numéro spécial n'a pas provoqué la ruée et les queues devant les kiosques qu'avait connues le "numéro des survivants" publié après l'attentat. Il avait eu une diffusion historique de 7,5 millions d'exemplaires. A l'époque le slogan "Je suis Charlie" s'affichait partout, dans les manifestations, les bureaux, sur les réseaux sociaux.
"Je ne suis pas toujours Charlie", a déclaré à la radio Europe 1 Alain Juppé, concurrent dans l'opposition de droite de l'ex-chef d'Etat Nicolas Sarkozy pour la prochaine présidentielle, confiant que la Une du numéro anniversaire ne le faisait pas rire.
'Rien à foutre de plaire'
Au kiosque à journaux du boulevard Saint-Germain entre les cafés de Flore et des Deux Magots, hauts lieux de la vie chic et intellectuelle de la capitale, les journaux partaient mercredi matin au compte-gouttes.
Actuellement, le journal se vend à environ 100.000 exemplaires en kiosque, dont 10.000 à l'international, auxquels s'ajoutent 183.000 abonnements. Avant l'attentat, Charlie Hebdo, en grandes difficultés financières, ne vendait qu'environ 30.000 exemplaires par semaine.
Dans un éditorial rageur en pages intérieures, Riss rappelle que le journal en a toujours eu "rien à foutre de plaire au plus grand nombre" et que beaucoup souhaitaient sa disparition bien avant l'attentat.
"Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants", assure-t-il aussi.
En Allemagne, où 50.000 exemplaires du journal ont été commandés par les diffuseurs, les médias ont relayé la Une de ce numéro anniversaire, sans s'en offusquer outre-mesure. L'hebdomadaire Focus ou le quotidien Frankfuter Rundschau soulignaient toutefois que Charlie continuait dans la veine provocatrice.
Une dizaine de nouvelles signatures ont rejoint l'équipe depuis un an, mais les morts - dont les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et Charb - manquent toujours autant aux survivants.
"On pense à eux tout le temps. Je me demande parfois si je ne fais pas un peu le journal qu'ils auraient fait, le journal pour le jour où ils reviendront", confie le directeur.
A l'instar du quotidien conservateur Le Figaro, de nombreux médias se demandent également si la France a "tiré les leçons" de l'attentat du 7 janvier, alors que le terrorisme jihadiste a encore tué 130 personnes le 13 novembre à Paris.
Avec AFP